Parmi les visages les plus prometteurs de l’agro-entrepreneuriat burundais figure Eloge Niyomwungere. Il représente régulièrement le Burundi à l’étranger. Mais son histoire va bien au-delà d’un simple succès entrepreneurial : c’est un récit d’héritage familial, de résilience et de vision.
Sur les collines verdoyantes de Bururi, un jeune garçon grandissait avec un ballon au pied et un livre à la main. Ce jeune, c’est Eloge Niyomwungere. Né cinquième d’une fratrie de six enfants, Eloge grandi dans une famille décente mais riche en valeurs. Son père, militaire, et sa mère, enseignante au lycée de Bururi, devenue agricultrice après le décès de son mari, lui ont transmis le sens du devoir et de l’attachement à la terre cultivable.
Mais, c’est surtout son grand-père, instituteur respecté de la région, qui lui a ouvert les portes de la connaissance. Dans sa maison, les livres d’histoire et les Bibles imposantes étaient des trésors. Le premier livre qu’il lit, « L’enfant ingrat », le bouleverse profondément : une histoire de pauvreté, de honte et de rejet qui lui transmet une leçon de dignité.
Son goût pour la lecture, nourri par les histoires racontées en famille et l’influence de son grand frère passionné de lecture, développe en lui une curiosité insatiable. Il décide alors de marier l’héritage agricole de son grand-père paternel avec l’héritage intellectuel de son grand-père maternel, instituteur à l’école primaire.
Quand il ne lisait pas, Eloge jouait au football. Avec ses frères et cousins, ils formaient une équipe redoutable. Lui, l’attaquant surnommé “Kigurube” pour sa puissance, marquait des buts comme il rêvait déjà de marquer les esprits.
L’appel de la terre : une vocation devenue une solution
Pendant ses études secondaires au grand séminaire de Buta, puis à l’université, Éloge commence à réfléchir à l’avenir incertain des jeunes diplômés face au chômage. Il observe les failles du système agricole : des récoltes abondantes mais sans débouchés, de lourdes pertes post-récolte dues à l’absence d’unités de transformation agroalimentaire. Les produits pourrissent, faute de marché. Les travailleurs sont rémunérés, mais les investissements ne sont pas rentables.
Il comprend alors que le problème n’est pas la production, mais l’absence de transformation et de commercialisation. C’est là que naît son idée : créer une entreprise qui valorise les produits agricoles, qui transforme, qui vend, et qui crée de la richesse locale, surtout l’emploi des jeunes.
Le piment : une graine de révolution
2021, alors fraîchement diplômé en économie et business, Eloge mène une enquête sur les produits agricoles les plus périssables et négligés au Burundi. Le piment et la tomate arrivent en tête. Il découvre que le piment, pourtant très demandé par les hôtels et restaurants, est souvent importé. Il y voit une opportunité : créer une chaîne de valeur locale autour du piment.
La même année, il quitte son emploi pour se consacrer à son projet. Il développe un prototype et commence à participer à des concours d’innovation. Lors de la première édition du concours « Innovation Week », organisée par le PNUD Burundi, et reçoit un prix.
Puis vient le tournant : le concours « GoGettaz Africa », initié par le milliardaire philanthrope Dr Strive Masiyiwa, fondateur d’Econet wireless. Une citation de ce dernier le marque profondément : « Agriculture is a trillion-dollar opportunity. » Dans cette édition, Eloge se distingue parmi plus de 13 000 candidats de l’Afrique, atteint le top 12, et remporte dans la finale, le “Impact Award 2022” à Kigali.
De l’idée à l’entreprise
C’est en 2022 également, que son rêve devient réalité : il fonde son entreprise nommé « Best Food Solution ». Aujourd’hui, il travaille avec plus de 500 agriculteurs regroupés en coopératives et accompagnés dans tout le processus de production qui sont dans 8 anciens provinces, et fournit plus de 100 points de vente à Bujumbura, Gitega et Muramvya, et bientôt à l’étranger.
Abandonner un emploi stable pour un rêve incertain n’est jamais chose facile. Mais Eloge savait que son appel était ailleurs : « Je ne pouvais pas rester dans un travail qui ne me permettait pas d’aider le plus grand nombre », confie-t-il.
Le concours GoGettaz a été son déclic. « Quand j’ai vu que mon projet était sélectionné parmi des milliers, j’ai compris que rien ne pouvait arrêter cette vision ».
Plus qu’un entrepreneur, un modèle
Eloge ne veut pas seulement réussir, il veut prouver que c’est possible. Dans un pays où le chômage des jeunes est endémique, il veut être un repère, un modèle : « Je veux que les jeunes gardent l’espoir, qu’ils osent rêver, qu’ils sachent que les problèmes ne sont pas une fin, mais un début. »
Son entreprise est aussi un héritage. Comme son grand-père, il veut laisser une trace. Il s’investit dans des programmes d’accompagnement pour aider d’autres jeunes à croire en leurs idées.
Son message à la jeunesse : « Ne renoncez jamais à vos rêves à cause des difficultés. Transformez-les en moteur. Nous vivons une époque pleine d’opportunités. Nos parents rêvaient de ce que nous avons aujourd’hui. Alors, ne nous plaignons pas : cherchons les solutions. Les problèmes ne disparaîtront pas, mais notre détermination peut les vaincre ».
Comment on peut parler avec éloge pour avoir plus sur la culture du piment