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Crime à Gihosha : la dernière transaction de Chantal

Le mardi 24 juin 2025 a eu lieu l’inhumation de Chantal Nizigiyimana, tuée dans une ruelle habituellement calme de Gihosha. Comment un homme sain d’esprit a-t-il pu tirer à bout portant, en plein jour, sur une agente de Lumicash âgée de seulement 28 ans, qui vaquait tranquillement à ses occupations ? Sur la scène du crime : un sac vide, un petit téléphone (le smartphone ayant été subtilisé), un corps sans vie. Un crime crapuleux ? Un crime passionnel ? Ou tout simplement un assassinat prémédité ?

Cimetière de Mpanda, des sépultures à profusion. Au site Memoria, une famille marquée par le chagrin s’apprête à inhumer un être cher. Elle n’était pas malade, elle n’a pas eu d’accident de roulage. La Faucheuse n’a ni pitié, ni compassion. Par la main d’un homme armé d’un fusil, elle a sévi comme elle a l’habitude de le faire : à l’improviste. Chantal Nizigiyimana, emportée dans la fleur de l’âge, aura au moins la chance d’être enterrée dignement par ses proches, qui ont du mal à comprendre ce qui lui est arrivé.

Son père, ému aux larmes, n’a que quelques mots : « Mwakoze kuza kudushigikira muri iki gihe kitoroshe. Uwo bizoshikira natwe tuzomushigikira » (Merci d’être venus nous soutenir dans ces moments de dures épreuves, nous en ferons autant pour vous).

Des mots désespérés et désespérants, comme si notre société devait se résigner, subir sans broncher la cruauté des gens sans foi ni loi qui sèment la désolation.

Un autre membre de la famille s’adresse avec énergie à la justice : « Ubutungane butegerezwa kutubwira ibi bintu ingene vyashitse. Bumenye ingene umuntu ari mu rwego rw’igihugu yakoze ibintu nk’ibi vyakamaramaza » (La justice doit nous expliquer ce qui s’est passé. Elle doit chercher à comprendre comment un agent d’une institution a pu commettre un acte aussi ignoble). L’ambiance est au recueillement, mais on sent une colère sourde gronder. L’incompréhension, l’absurdité du moment se lisent sur des visages chagrinés.

Un bref retour sur le jour fatidique

Chantal, originaire de Mugozi, commune et province de Bururi, vaque à ses occupations normalement. Agente Lumicash de son état, elle a son point d’attache à Gihosha, précisément à un endroit appelé « Kwa Buyoya ». Chaque matin, elle enfile son gilet professionnel pour servir avec le sourire les clients. Elle était sûrement consciente des risques du métier, qui consistait à manier de l’argent liquide et électronique.

Le 16 juin 2025, comme à l’accoutumée, elle se rend à son poste. Un homme en uniforme militaire s’approche pour effectuer une transaction. Rien d’inhabituel. À la fin, il lui demande de l’accompagner pour effectuer une autre opération. Elle accepte, confiante. Quelques minutes plus tard, un coup de feu retentit. Chantal vient de mourir.

Thierry*, un témoin oculaire, confirme qu’un homme en uniforme de l’armée a sorti son arme et tiré à bout portant. Un geste précis, froid, déterminé. Il aurait ensuite fouillé le sac de la victime, pris une somme d’argent non précisée et un smartphone (son autre petit téléphone, les autorités l’ont retrouvé dans la main de la victime, selon la famille), avant de disparaître.

« Elle ne reviendra pas… », la détresse d’une famille meurtrie

Nous sommes allés voir la famille de Chantal, le 21 juin 2025. Leur domicile est situé non loin de la salle de réception Maroda et de l’école « Les Petits Trésors ». Nicole* et son mari, qui ont élevé la jeune fille, nous accueillent. La voix brisée, la femme raconte ce qu’elle connaît de cette terrible tragédie.

« Chantal vivait avec nous depuis 2012. C’était comme notre fille. Elle avait fait l’économie à l’Université Lumière, puis un stage à l’Onatel. Elle avait ensuite travaillé dans une galerie commerciale avant de se lancer dans le mobile money. »

L’entourage en émoi

Gihosha est bouleversé par ce meurtre absurde. Une voisine venue présenter ses condoléances nous confie : « Chantal était très discrète. Une pentecôtiste pratiquante. Elle ne se disputait jamais avec personne. Timide, gentille, toujours souriante. On ne comprend pas ce qui a pu se passer ». La famille de la victime s’interroge : un vol qui a mal tourné ? Un assassinat prémédité ? Ce qui les inquiète davantage, c’est ce manque d’informations : aucune réaction de la part des autorités, aucun communiqué, aucune arrestation connue à ce jour.

Dans la maison endeuillée, certains mots reviennent dans les conversations : peur, colère, silence. Le chef de famille résume l’angoisse ambiante : « On dirait que la vie humaine ne vaut plus rien. C’est comme si elle n’avait jamais existé. Tout le monde veut savoir ce qui s’est réellement passé. On ne sait pas quoi leur dire. Nous attendons que la lumière soit faite sur cette affaire et que justice soit rendue. »

L’inquiétude semble gagner le quartier. Le fait qu’un meurtre soit commis en plein jour, mais que personne n’ait été arrêté, est grave. L’impression est que personne n’est à l’abri, surtout Elvis*, qui exerce le même travail, au même endroit où la désormais défunte Chantal officiait.

Une piste de crime passionnel à explorer ?

À l’enterrement, nous nous sommes brièvement entretenus avec un cousin de la victime, qui nous a parlé d’un possible crime passionnel. Selon ses propos, la veille de sa mort, Chantal avait présenté son prétendant à l’église. Son ex-compagnon, qui serait un militaire, n’aurait pas toléré de se faire éconduire. Il aurait donc agi par jalousie.

Peut-être que ceux qui mènent les enquêtes devraient s’intéresser à cette piste. En plus, avec la technologie, il n’est pas impossible de l’identifier et de connaître les messages qui ont été échangés.

Nous avons joint l’OPJ de Gihosha, qui s’occupe du dossier. Il nous a référés aux services de communication de la Police, parce qu’il n’a pas le droit de fournir des informations aux journalistes sur un dossier en cours d’instruction.

Nous nous sommes aussi adressés au général de brigade Gaspard Baratuza pour savoir si le militaire mis en cause a été identifié. Il a répondu que cela était difficile, étant donné que celui qui a commis le forfait n’a pas été arrêté. En revanche, il a rappelé que des malfaiteurs peuvent revêtir des uniformes de l’armée et commettre des crimes sans être militaires.

* : noms d’emprunt

 

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