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L’agroécologie au féminin : le combat de Nibitanga, une jeune fille albinos

Alors que le monde entier cherche des solutions au changement climatique, le modèle d’Espérance Nibitanga, jeune fille albinos utilisant du fumier écologique et même des urines comme fertilisant, nous rappelle que les réponses les plus durables peuvent venir des endroits les plus inattendus… et des voix les plus souvent ignorées. Femme et albinos, elle subit une double vulnérabilité face aux effets du dérèglement climatique. Et pourtant, elle a su transformer cette condition en force, devenant une pionnière de l’agriculture écologique dans sa communauté.

Un samedi comme tant d’autres, surchargé de fêtes et d’événements heureux ou malheureux. Ce jour-là, je devais me rendre à Muramvya, en commune Kiganda, pour un événement à moitié familial. Sur le chemin du retour, une pause s’impose : nous décidons de prendre un verre au centre de Gatabo.

Parfois, notre métier de journaliste exige un regard en alerte, peu importe où l’on se trouve. En observant les alentours, mon regard est attiré par une scène inhabituelle : des oignons suspendus à la façade d’une maison. Mon instinct me pousse à aller voir de plus près. Pour être honnête, c’est la première fois que je vois des oignons séchés ainsi, j’avais l’habitude de voir cette méthode appliquée au maïs ou aux haricots.

Je m’approche. Une jeune fille albinos m’accueille avec un sourire. Elle s’appelle Espérance Nibitanga, et les oignons sont les siens. À ma grande surprise, elle m’explique qu’ils sont conservés depuis octobre 2024. Je peine à y croire : leur qualité est irréprochable.

« Mais comment peuvent-ils rester aussi bons aussi longtemps ? » lui ai-je demandé.

« Je pratique l’agriculture écologique. C’est pour cela que mes récoltes durent plus longtemps et gardent leur qualité biologique », me répond-elle calmement.

Elle m’explique ensuite qu’elle n’utilise ni engrais chimiques (trop coûteux) ni pesticides. Elle préfère un mélange d’urine diluée dans de l’eau, qu’elle utilise comme fertilisant naturel. Et pour me convaincre davantage, elle me montre un autre champ de haricots en préparation.

Un combat personnel devenu mission écologique

Née dans une famille modeste, Nibitanga a très tôt compris que sa condition d’albinos exigeait des précautions constantes. Une simple exposition au soleil pouvait lui causer des brûlures graves. Mais au lieu de fuir le soleil ou de vivre dans la peur, elle a choisi d’agir, non seulement pour elle-même, mais aussi pour sa communauté.

Elle s’est formée grâce à des organisations locales et ONG engagées dans la lutte contre le changement climatique. En 2024, alors que les effets du dérèglement climatique se faisaient ressentir avec violence (sécheresses prolongées, baisse de la fertilité des sols, destruction des écosystèmes), elle a décidé de se lancer dans l’expérimentation de techniques agricoles durables.

Son petit lopin de terre familial est rapidement devenu un laboratoire vivant. Elle y teste le compostage, les fertilisants naturels et une agroécologie adaptée au contexte local. Résultat : ses récoltes sont plus abondantes que jamais.

Un modèle de résilience et d’innovation

« Je ne peux pas contrôler le soleil, mais je peux créer un espace où ma peau et ma communauté se sentent en sécurité », dit-elle avec un sourire.

Aujourd’hui, les cultures d’Espérance sont devenues un modèle d’agriculture durable. Elle produit des légumes biologiques, à moindre coût, pour nourrir sa famille et vendre l’excédent sur les marchés locaux. Elle envisage aussi de planter des arbres fruitiers, une bénédiction pour sa peau sensible, mais aussi un geste en faveur de la biodiversité. Les arbres offrent de l’ombre, attirent les oiseaux et favorisent les insectes pollinisateurs.

Pour elle, ce n’est pas seulement une question de survie. C’est un acte politique, social et écologique. C’est aussi une manière de restaurer la dignité des communautés rurales, tout en protégeant la terre nourricière. Son entourage commence d’ailleurs à s’inspirer de ses pratiques. Ce qui, hier encore, semblait marginal, devient aujourd’hui une voie crédible vers la résilience et l’autosuffisance.

Espérance Nibitanga n’est pas une célébrité, mais elle est déjà une figure importante d’une révolution silencieuse. Une héroïne silencieuse. Son exemple montre qu’il n’y a pas d’âge, de genre ou de condition qui empêche d’agir. Et que dans un monde en quête de solutions globales, les réponses locales peuvent parfois sauver bien plus que des récoltes.

 

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Les commentaires récents (2)

  1. Nous devons tous envisager les solutions locales pour maintenir un développement durable. Valorisons les forces et capacités locales. Cette femme albinos nous sert d’exemple, il faut la soutenir et celles qui agissent de la même sorte

  2. Merci beaucoup de faire valoir les activités de Mlle Espérance NIBITANGA, et de la faire connaître. Chère Espérance NIBITANGA, va toujours vers l’avant.