N’en déplaise à ses détracteurs, l’intégration des nouveaux étudiants de Rumuri avait son lot d’avantages. Comme toute entreprise humaine, tout n’était pas parfait. Mais la situation actuelle est-elle vraiment la plus souhaitable dans le meilleur des mondes ?
Je vais faire mon réac. Me donner en pâture aux wokes, progressistes de tout poil. Mais suis-je vraiment si réac en vrai ? Pas sûr. En revanche, une chose est sure, je suis de ceux qui pensent que sur certains aspects de l’identité poil, c’était mieux avant.
Cet avant, ce n’est pas un âge d’or fantasmé. Comme disent les swahilophones, upende usipende, les poilissimes sont des rescapés de tant de calamités. Leur résilience leur a permis de faire vieille peau. Et l’assise de cette résilience a longtemps carburé aux valeurs relayées lors des rites d’intégration. Avant leur déliquescence.
Pour ses pourfendeurs, l’intégration se limite à inculquer dans les têtes rasées des puants des théories auto flatteuses : toutes les belles femmes leur appartiennent, les belles voitures sont les leurs, Bujumbura est leur pré carré et que sais-je encore. C’est réducteur. Très réducteur.
Il est vrai, les poilissimes ne sont pas moins responsables dans tout ça. Une frange a voulu garder un narratif d’antan, quand ils formaient une petite dynastie. Je me souviens d’un professeur qui nous racontait que lors des défenses de mémoires, des potentiels employeurs se trouvant dans les salles de défenses se ruaient vers eux à la fin pour leur proposer du boulot. De quoi gonfler la tête.
Les temps ont changé, certains n’ont pas voulu changer. Ils ne se sont pas fait que des amis. L’image du poilissime a été tournée en ridicule et réduite à des évocations caricaturales.
Le rose et le noir
À y voir de près, l’intégration était aussi une occasion de perpétuer des valeurs, mine de rien, utiles à une vie en société. Et avec raison. Nous naissons et grandissons dans des milieux divers. Un socle commun quand vous allez passer des années ensemble ne me semble pas farfelu.
Je me souviens par exemple qu’on nous disait qu’un poilissime ne devait pas refuser de l’argent à un pair qui le lui en empruntait. La cerise sur le gâteau est qu’on ne réclamait l’argent rendu que quand camye– quand la bourse était versée sur les comptes. J’en ai parlé à un ami qui est en Bac 2, il était mort de rire. « C’est l’individualisme qui règne actuellement », a-t-il dit, en riant. Il ignorait cette règle, d’où il trouvait que ce qui se passe actuellement c’est de l’individualisme.
Dernièrement, un autre ami a été choqué de voir des étudiants se fendre la poire dans la bibliothèque centrale. Je ne dis pas que c’est une pitre invention des étudiants de l’ère post intégration. N’empêche, la réaction du bibliothécaire qui est venu calmer la bande de madridistas qui palabraient sur la prestation moyenne de leurs joueurs dans un match disputé la veille en dit long. « Tout cela, c’est parce qu’on a supprimé l’intégration », a-t-il pesté en agitant nerveusement les bras.
Comment passer sous silence la valeur qui a valu au poilissime autant de respect que de railleries ? J’ai cité la propension à réclamer bec et oncles ses droits, ou tout simplement la grève. « Ils grèvent à tout bout de champ », lançaient ceux qui tournaient le dos à Rumuri parce que « les grèves rendent les années académiques élastiques ».
A voir comment la culture de la réclamation est chloroformée dans cette institution, c’est à se demander si ce qui peut être actuellement vu comme acte de rébellion était si mauvais que ça. « Trois mois sans bourse ? Lors de l’intégration, on nous enseignait comment réclamer nos droits, mais ça, c’était avant ! », glisse un ancien poilissime.
Des exactions, infiltrations et velléités identitaires, l’univers de l’intégration n’était pas non plus exempt de défauts. Ceux qui voulaient sa suppression ont surfé sur cette vague. Mais entre suppression et adaptation, j’ai la faiblesse d’opter pour la deuxième option avant que, comme on dit entre Poilissimes, kiba umwonga.
