article comment count is: 1

Repenser la presse au Burundi : et la dignité des journalistes dans tout ça ?

Début janvier 2023, le groupe de presse Iwacu a lancé « Repenser la Presse au Burundi », une réflexion sur la presse au Burundi : ses défis et défauts, succès et échecs, leçons apprises de son histoire et ce que l’on peut espérer de son avenir. A travers ce débat ouvert, des journalistes racontent l’histoire des médias burundais. 5 ans à exercer ce noble métier, j’ai des choses à dire moi aussi aux promoteurs des médias. 

Je vais droit au but. En repensant la presse burundaise et surtout en amenant des solutions aux défis, il ne faut pas mettre de côté ou faire semblant d’ignorer les conditions misérables dans lesquelles les journalistes exercent leur métier. Je demande indulgence aux promoteurs des médias, mais il faut les clouer au pilori. 

N’avez-vous pas honte des salaires de vos journalistes ? 

Certes, la crise de 2015 a enfoncé les médias burundais dans le chaos. La plupart des organisations qui appuyaient les médias ne le font plus. Cependant, qu’un media peut vivre uniquement de subventions est un leurre.  De plus, créer un media sans aucune autre source de revenus n’a aucun sens. Ce qui est malheureusement, il faut l’avouer, une réalité au Burundi. Surtout les médias en ligne. 

Depuis 2020, on assiste à une montée en flèche des nouveaux médias agréés par le Conseil National de la Communication (CNC), autorité de régulation des médias. De nouvelles radios et surtout des médias en ligne (web Tv, site web, page Facebook, Twitter, etc.) naissent comme des champignons. En se promenant sur le web, on se rend compte que l’heure du numérique a sonné au Burundi. Certaines personnes n’ont même pas besoin de l’autorisation du CNC pour se déclarer journaliste ou propriétaire d’un media. Il faut juste créer une page Facebook, un compte Youtube et un compte Twitter pour se nommer journaliste. 

La situation est chaotique. Certes le métier regorge actuellement de nombreux jeunes « journalistes ». Suite au chômage endémique qui touche particulièrement les jeunes, certains veulent se réfugier dans le journalisme pour joindre les deux bouts. C’est malheureusement compliqué. Après une période de deux mois, vous retrouverez de nombreux nouveaux visages. Sur une liste quelque part, dans un atelier, vous retrouverez également de nouveaux « médias ».

Des salaires de misère

Faisant un clin d’œil  aux journalistes du temps présent dans son texte, le journaliste senior Abbas Mbazumutima déplore que « les journalistes posent des micros mais pas des questions ». Ce que dit ce féru du métier est une vérité. Certains n’ont pas les capacités de poser des questions pertinentes. Mais, d’autres en ont quand même. Cependant, chers propriétaires des médias, d’où leur viendra ce courage de rédiger leurs papiers de façon professionnelle, de poser de vraies questions, de mener une investigation alors qu’ils passent deux ou trois mois sans percevoir leur salaire de misère ? 

Il faut l’avouer, les journalistes issus de la plupart des médias privés ne savent pas la couleur du salaire. Ils ne sont pas payés. D’autres sont mal payés. Combien de journalistes ont un salaire de 250 mille FBu (65 USD/ marché parallèle) par mois ? Que pensez-vous de la situation d’un rédacteur en chef d’un média touchant un salaire modique de 180 mille Fbu ? Des journalistes touchant 80 mille Fbu, voire 50 mille Fbu pendant des années sont nombreux. Cela, parfois avec des retards de paiement de deux ou trois mois. Pire, des médias qui ne payent pas leurs employés pendant une année, deux années existent également. Et tout cela, dans un pays où l’inflation plonge la population dans la pauvreté sans nom. Dois-je vous rappelez qu’un kg de haricot s’achète actuellement à plus de 3 mille Fbu ? Quid des systèmes de protection sociale, l’assurance maladie ? Rares sont encore les médias qui le font. Chapeau à leurs propriétaires. 

L’ère des « perdiems »

D’aucuns se lamentent que les jeunes journalistes actuels courent derrière les billets de 10 mille ou 5 mille Fbu pudiquement baptisés « frais de déplacement » distribués après des ateliers ou des cafés/conférences de presse. Cela est une triste réalité dans le secteur médiatique burundais, une épine dans le pied du métier. Au lieu de poser de vraies questions, de mener des investigations, ils préfèrent aller dans des ateliers, des points de presse, là où, au moins, ils espèrent rentrer avec un petit billet de 10 mille de Fbu en poche. 

Les conséquences de tout cela ? Les compétences de certains journalistes restent lacunaires. Les journalistes expérimentés finissent par jeter l’éponge et migrer vers d’autres organisations qui payent mieux. Cette situation concerne aussi bien les journalistes du privé que ceux du public. 

Chers propriétaires des médias burundais, vos journalistes ont besoin de moyens pour bien vivre et exercer dignement leur métier. Désolé, de dire à haute voix ce que les autres disent à voix basse. Je l’ai murmuré pendant cinq ans. Je viens de trouver enfin un cadre pour le dire. Merci les initiateurs de « Repenser la Presse ». 

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (1)

  1. Une pure vérité , depuis 2015 ,une chute se remarque presque dans beaucoup de secteur et les médias ne sont pas épargnés ,la politique a bien mangé les médias 2023 il n’y a pas une vraie interaction entre le public ,le gvt et les médias , l’investigation journalistique est presque inexistant ,la salaire misérable des journalistes et bcp d’entre eux sont des bénévoles et le bénévolat peut arriver à 5 ans sans salaire ,sans contrat etc… Le journalisme c’est un métier de chien (métier sans considération)