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La réfection des routes, un chantier pharaonique

Le gouvernement se lance dans une vaste campagne de réfection des routes. Les travaux de bouchage des nids de poule sont en cours sur la RN1 et la RN2. Pour financer ces travaux, la loi des finances publiques institue à partir de l’exercice budgétaire 2020-2021, une redevance annuelle routière forfaitaire pour tous les engins roulants. Néanmoins, le contrôle du tonnage est indispensable pour préserver la qualité des routes.

Les travaux de réfection des routes s’intensifient en mairie de Bujumbura comme à l’intérieur du pays surtout sur les grands axes de la RN1, la RN2 et la RN7. Les travaux se concentrent sur le bouchage des nids de poule. Un travail loué par les usages qui se lamentaient déjà de la mauvaise qualité des infrastructures routières qui entraînent l’amortissement prématuré des véhicules. L’impact de ces travaux est perceptible, commente un chauffeur d’un probox qui  effectue des navettes entre la capitale politique et la capitale économique. « Nous mettons deux heures alors qu’auparavant le trajet Bujumbura-Gitega durait trois bonnes heures suite aux nombreux nids de poule », fait-il savoir. 

Pour améliorer la sécurité routière le ministère en charge des infrastructures se lance dans les travaux de marquage au sol qui montrent les passages piétons à respecter ainsi que l’installation des panneaux de signalisation. D’autres travaux concernent notamment le traçage d’une piste pour les piétons le long de la RN1. Le chantier est à un stade avancé ; les canalisations sont déjà tracées et il ne reste qu’à poser des dalots. 

L’ARB passe à la vitesse supérieure

Sur la RN2 Bujumbura Gitega, les pancartes de l’Agence Routière du Burundi (ARB) sont omniprésentes. Le tronçon Bugarama-pont de la Mubarazi est en cours de réfection. D’ailleurs, le chef de l’Etat s’est plaint de la lenteur dans l’exécution des travaux. Les « ingénieurs » passent à la vitesse supérieure, les baraques se comptent par dizaine de Bujumbura à Gitega. Le malaxage du bitume à chaud, la délimitation de la zone à bitumer, … sont les quelques actions en cours. 

Le tronçon en amont de la rivière Mubarazi a été complètement réfectionné. Il ne reste qu’a asphalté la route sinon il n’y a aucun nid de poule et les canalisations ont été réhabilitées. Il reste à mettre une dernière couche du bitume. En commune de Giheta de la province Gitega, les travaux de bouchage de nids de poule vont bon train. Les compacteurs, les camions benne se relaient pour déposer les matériaux nécessaires. Apparemment, le projet de transformer cette route en autoroute devrait attendre. Le gouvernement aurait renoncé au projet de transformer cet axe en autoroute après l’incapacité avérée de l’ARB à piloter les études de faisabilité faute d’expertises. 

D’où viennent les fonds ?

Le ministre des infrastructures affirme que tous les travaux en cours sont financés sur base du budget général de l’Etat qui permet de réaliser les travaux d’urgence. Ce sont notamment la réhabilitation de la route qui part du rond point dit « Iwabo nabantu » et qui relie les quartiers « Winterekwa » et Muyaga au Nord du pays. Une fois réhabilité, ce tronçon permettra de désengorger les grands axes du centre-ville et réduire les bouchons surtout aux heures de pointe. 

D’autres sources de financement sont notamment les différentes taxes et redevances routières annuelles. A titre illustratif, la structure du carburant prévoit de prélever sur chaque litre d’essence, la taxe carburant, les frais pour le stock stratégique, les frais pour alimenter le fonds routier national et la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). 

Au cours de l’exercice budgétaire 2020-2021, l’OBR collectait plus de 4,5 milliards de FBu issue de la taxe de péage et 41, 3 milliards de FBu issus de la taxe sur les carburants à raison de 210 Fbu par  litre. 

Redevance annuelle routière pour réhabiliter les routes

Actuellement, il est opéré une redevance annuelle routière forfaitaire de 10 000 Fbu pour les motocyclettes et 20 000 Fbu pour les tricycles et les quadricycles à moteur. Pour les autres engins roulants, le montant varie entre 50 000 Fbu et 1 500 000 de Fbu. Il est calculé en fonction du poids, dispose l’article 69 de la loi régissant les finances publiques, exercice 2022-2023 : « Cette taxe n’est pas une surtaxe mais une collecte de fonds qui se fait une fois par an et qui permet au Gouvernement de faire des réalisations qu’un seul individu ne peut pas faire, comme par exemple : réhabiliter les routes. Cette taxe vise uniquement ceux qui possèdent des automobiles, donc à revenu élevé », a  déclaré M. Stany Ngendakumana, directeur de la communication et porte-parole de l’OBR en marge d’une séance de sensibilisation des contribuables à Gamba en août 2021. 

En 2021, l’OBR a collecté près de 7 milliards de Fbu comme redevance routière annuelle en 2021. Le montant collecté pour cette année n’a pas été révélé.  Les véhicules de l’Etat, des missions diplomatiques et consulaires, des organismes internationaux, des organisations non gouvernementales ayant signé des conventions avec le Gouvernement du Burundi dans le cadre de l’exécution de leurs missions sont exonérées de la redevance routière annuelle. 

Les poids lourds dégradent la qualité des routes 

Issa* un chauffeur d’un poids lourd affirme que la surcharge des camions endommage fortement nos routes. Il épingle les propriétaires de camions qui privilégient leurs intérêts au détriment de l’intérêt général. « Quand ils acquièrent un nouveau camion, ils nous demandent à quelles vitesses le camion a escaladé Bugarama. Si vous dites que vous étiez en 3ème et 4ème, la prochaine fois, ils ajoutent le tonnage encore et encore jusqu’à ce que le camion avance à pas de tortue en 1ère et 2ème vitesse », révèle-t-il. 

Pour lui, le non-respect du tonnage détériore les infrastructures routières. Il cite le cas de la route Bujumbura – Cibitoke qui s’est dégradée en un laps de temps après sa réhabilitation. Les camions bourrés de pouzzolane, de gros sacs de clinkers transitaient par cette route vers Cibitoke où se trouve la cimenterie BUCECO. Après vérification, les camions ne peuvent plus dépasser le seuil acceptable. Un seul camion ne peut pas dépasser 700 sacs de ciment soit, 35 tonnes. 

Et notre interlocuteur de s’étonner comment un conteneur de 40 pieds dont la capacité maximale est de 35 tonnes peut contenir 50 tonnes. De surcroît, le chargement des camions est une triste réalité. Les camions remorques d’origine burundaise transportent plus du double de leur capacité quand ils circulent à l’intérieur du pays. Vous verrez un camion remorque avec 120 tonnes de ciment qui met 12 heures de temps pour joindre Bujumbura-Ngozi. De plus, il faut tenir compte de la masse volumique des marchandises, les matériaux de construction (fer a béton, fer plat en acier ou les verres) n’ont pas le même poids que les habits, les papiers hygiéniques, les articles de boutique, etc., nuance Issa. 

Un parc automobile en nette augmentation 

Les données de l’Institut des Statistiques et d’Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU) laissent constater au 31 décembre 2019 que les véhicules sont au nombre de 6760 tandis que les motos et les tricycles sont au nombre de 4972, un chiffre de loin supérieur à celui-ci.

Le parc automobile augmente en flèche. En l’espace de six mois, l’OBR a immatriculé 4 168 engins, apprend-on du bulletin trimestriel de l’OBR. Il est donc urgent de fixer un seuil à ne pas dépasser sinon la réfection des routes sera éternelle. En ce sens, l’installation des ponts bascules sur les grands axes du pays est indispensable pour contrôler le tonnage. La promotion du transport lacustre pourrait également inverser la vapeur et préserver les infrastructures routières. 

Vers la mise en place d’une structure de supervision

Il a été constaté des chevauchements entre l’ARB et l’OBUHA, deux institutions de l’Etat spécialisées dans la construction des infrastructures socio-économiques. Pour cette raison, le gouvernement a décidé de mettre en place une Agence Nationale de l’Urbanisme et de la Réalisation des Infrastructures (ANURI). Pour Dieudonné Dukundane, ministre des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements sociaux, l’ANURI est une structure qui devait résulter de la fusion de l’OBUHA (Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction) et de l’Agence Routière du Burundi (ARB). Le gouvernement a décidé de sursoir temporairement cette décision. « La fusion de ces deux structures risquerait de noyer la visibilité de chacune d’entre elles au niveau de la Sous-région et vis-à-vis de certains de nos partenaires au développement », précise le communiqué du conseil des ministres du 16 septembre 2022.

Pour garantir la qualité des infrastructures socio-économiques, le gouvernement propose de mettre en place un mécanisme ou une structure de contrôle de la qualité des constructions à l’instar des pays de la sous-région. Cet organe devrait travailler de façon transversale pour couvrir l’ensemble des infrastructures, conclut le communiqué.

 

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