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Les Burundais et la lecture : verba volant…

Alors que le monde entier se réunit ce 23 avril pour célébrer la journée internationale du livre et du droit d’auteur, au pays de Mwezi Gisabo celle-ci risque de passer inaperçue. Et  pour cause : beaucoup de Burundais ne lisent pas, si l’on se fie aux croyances populaires. Et s’ils se mettaient à « lire » les livres comme ils « lisent » (gusoma) la bouteille ? L’un n’empêche pas l’autre ! 

Dernièrement, je me baladais sur les réseaux sociaux et j’ai été interpellé par ce qu’avait écrit celle qui vient de remporter le Prix Littéraire Urumuri, Armelle Jade Citegetse. « N’avons-nous pas dépassé l’adage burundais qui dit que le livre est un enfant mal aimé des Burundais? », a-t-elle écrit sur son compte Facebook. 

Est-il vrai qu’au Burundi, le livre est ignoré au point de parler de « l’enfant mal aimé » à son sujet ? Nous n’avons pas encore des chiffres qui nous montrent exactement combien de Burundais lisent. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d’affirmer (en attendant les chiffres de l’ISTEEBU) que les Burundais et le livre, c’est comme l’eau et le feu, comme certains plaisantins aiment le dire. Qu’est-ce qui explique ce manque d’intérêt des Burundais pour la lecture ? Là est toute la question. 

Tradition orale, bouc-émissaire 

Essayant de trouver les réponses à la précédente question, j’ai approché des ami(e)s qui lisent et dans les réponses qu’ils m’ont fournis, il y a ceux/celles qui ont affirmé que le Burundi étant historiquement et traditionnellement un pays où le savoir se transmettait par voie orale, ceci est un facteur qui serait à l’origine de ce manque d’intérêt pour la lecture. Peut-être ont-ils raison ou pas. Néanmoins, le Burundi n’est pas le seul pays au monde à avoir connu une longue tradition orale. C’est cela qui me fait dire que la raison de ce désamour se trouve ailleurs.

Le livre a encore du chemin à faire avant de conquérir le cœur des Burundais

Tout prêt de chez moi, il existe une bibliothèque. Je m’y rends souvent et il arrive que je me retrouve seul ou à deux, parfois  trois, mais rarement une dizaine dans la salle de lecture. Peu d’enfants y entrent. C’est surtout certains retraités qui viennent quelques fois. Pourtant la bibliothèque est riche. Elle est remplie de livres de toutes catégories d’âges et pour tous les goûts. 

« Ushaka guhisha umurundi ikintu uracandika » (si tu veux cacher quelque chose à un Burundais, tu le mets à l’écrit). Ce dénigrant adage n’est pas dénoué de tout fondement. La fréquentation de cette bibliothèque me rappelle toujours que le livre a encore du chemin à faire avant de conquérir le cœur des Burundais.

Quand on sait qu’un seul livre peut changer la vie d’un lecteur, réveiller les aspirations enfuies, susciter des ambitions ou encore ouvrir de nouvelles perspectives, on ne peut que regretter ce manque d’intérêt pour la lecture. 

« Lisez » des livres autant que vous « lisez » la bouteille !

Le verbe « lire » en Kirundi se lit et s’écrit de la même façon que le verbe « boire » ( gusoma : prendre un verre). Si les Burundais n’aiment pas « lire » un bouquin, en revanche, ils aiment bien « lire » la bouteille. Oui, les Burundais ne sont pas portés sur les bouquins, c’est une triste réalité. Il parait qu’il y a même des étudiants qui terminent leurs études sans avoir lu un seul livre, hormis ceux relatifs aux cours. Certaines universités locales n’ont même pas de bibliothèques dignes de ce nom. Ne parlons même pas des écoles secondaires.  Doit-on lâcher prise ? Mille fois non ! La majorité de la population burundaise est jeune. Il est facile d’inculquer à un enfant la culture de la lecture qu’à un adulte qui n’a jamais touché un livre. Le chemin est encore long mais tout n’est pas encore perdu. C’est à l’État, aux écoles et surtout aux parents qu’incombe la responsabilité de faire aimer la lecture aux jeunes. Et, justement, l’organisation des prix littéraires entre dans la droite ligne de cet objectif.

 

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