À Bujumbura, comme ailleurs dans les centres urbains du pays, certains jeunes gens quittent la maison familiale et vont vivre en colocation avec leurs amis. Une autre manière d’apprendre à affronter la vie et sortir du giron des parents. Pourtant, ce choix n’est pas du tout facile car la société burundaise le voit toujours d’un très mauvais œil.
Ils ont entre 20 et 30 ans. Ils sont dynamiques et ont décidé de voler de leurs propres ailes. Ils s’organisent à trois ou à quatre, louent une maison et fondent une sorte de « ménage ». Malheureusement, aller vivre sous un autre toit (quand ce n’est pas pour se marier) n’est pas du goût de la plupart des parents burundais.
Apollinaire Bukuru (pseudo) est un père de famille qui vit dans la commune Muha. Pour lui, il est hors de question que son enfant aille vivre en dehors de l’enclos familial si ce n’est pas pour fonder son propre foyer. Il s’explique : « En fait, lorsqu’un jeune homme est dans la vingtaine, sa personnalité se forge encore. Du coup, il est exposé à plusieurs influences parfois mauvaises comme la consommation des drogues, le libertinage sexuel, etc. En plus, le jeune homme en question a encore les stigmates de l’adolescence. Ce qui fait qu’il a un goût aiguisé du risque, il a toujours envie de connaître ses limites. »
Pour cet homme entre deux-âges, la tradition appuie son argumentation : dans le Burundi ancien, lorsqu’un parent voyait que son fils atteignait l’âge adulte, il lui faisait construire une maisonnette à l’intérieur de l’enclos familial et non en dehors de celui-ci. Ceci pour dire que le parent devait garder un œil sur son fils pour s’assurer que les valeurs traditionnelles qui lui ont été transmises étaient respectées et appliquées.
L’autre raison qui pousse la famille à ne pas laisser leur progéniture aller « galérer » avec ses copains est l’aspect financier. « Admettons que le garçon ait un revenu-ce qui n’est pas évident ces temps-ci. Il ne serait pas mauvais de faire des économies pour son futur foyer tout en profitant de la chaleur familiale», tranche Bukuru.
Un frein au développement personnel
Junior Muhizi a moins de 30 ans et vit en commune Ntahangwa avec ses amis. Il a quitté le toit familial pour tenter une aventure en solo. Il partage son expérience : « Lorsque j’ai quitté la maison, j’avais un drôle de sentiment. J’étais à la fois excité et pétrifié à l’idée de devoir tout gérer, seul. J’avais peur d’échouer, me dire que j’ai été trop ambitieux et l’idée de vivre avec des inconnus me paraissait inimaginable voire impossible. Aujourd’hui je peux dire que j’ai réussi parce que j’ai appris beaucoup de leçons de la vie, la sociabilité, la tolérance. Et plus tu rencontres des problèmes que tu dois surmonter seul, plus tu développes ton raisonnement et plus tu apprends à t’en sortir rapidement!»
Pour lui, les parents comme M. Bukuru doivent apprendre à desserrer l’étau : « En pensant vouloir faire du bien à votre enfant, vous provoquez le contraire de l’effet escompté. Le pauvre atteint la quarantaine avec une seule idée en tête : on a tout chez nous, il n’y a pas besoin de se prendre la tête ! Le phénomène est courant à Bujumbura et a même un nom : le syndrome de Ngagara !».
Quant à moi, je vous dirais de laisser ce gars aller à la découverte du monde s’il estime que les conditions sont réunies. Il survivra. Et je dis bien « gars », parce que si j’avais parlé de filles, connaissant notre société, je ne serai pas étonné d’apprendre que quelqu’un veut m’intenter un procès pour incitation à la débauche.
je crois qu’aucune personne au monde ne connaît mieux son enfant que ses parents. Si en quittant le foyer le jeune n’est pas déjà : » sérieux », alors il faut le décourager et l’empêcher d’aller a sa perte , mais si non pourquoi vouloir tout mêler dans un seul sac. les jeunes sommes différents. laisse l’oisillon qui a déjà forger ses ailes prendre son envol.
Cher Tanguy,
Vous pointez du doigt un phénomène sociétal où la norme (quitter le domicile familial seulement pour fonder son foyer) cause plus de mal que de bien, à mon sens.
Ainsi;
-ceux qui ne se marient pas, par choix ou par le concours de circonstances n’ont pas accès à l’un des droits humains fondamentaux: le droit à se loger décemment, dans un espace aménagé à son goût. Car tout de même, les chambres d’enfant, souvent partagées avec la fratrie ou d’autres parentés ne sont pas exactement le rêve d’un adulte ayant un revenu, aussi modeste soit-il.
-en étant sous tutelle, il n’a pas de moyen de s’initier à la gestion d’un budget personnel (loyer, eau, électricité, provisions, personnel de maison, etc.) C’est très facile de se retrouver à vivre au dessus de ses moyens.
Il n’y a donc pas de transition pour les jeunes gens qui se marient en quittant le cocon familial, les changements inhérents à la vie à deux sont alourdis par les contraintes financières inévitables. Je ne crois pas me tromper beaucoup en supposant que beaucoup de couples commencent fragiles pour cette raison.
Ainsi, ceux qui ont le courage de sauter le pas et s’essayer à la colocation méritent plutôt le soutien de leur entourage.
P.E