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Mendicité au Burundi : « C’est ma mère qui m’envoie dans la rue »

Ce phénomène prend de plus en plus de l’ampleur. Parmi les jeunes mendiants qu’on voit dans la rue, plusieurs y sont envoyés par leurs parents. Ces enfants à l’avenir hypothéqué vivent dangereusement comme le prouve le témoignage de Kévine, une jeune mendiante qui s’est confiée au blogueur Rivardo Niyonizigiye.

C’est l’après-midi du 16 juin. La journée dédiée à l’enfant africain. Devant la galerie Mandela, une petite fille ne laisse personne passer. Elle crie à chaque passant «  Saidia ! » (Aide-moi), d’une voix brisée. Si certains s’arrêtent et lui donnent quelques sous, plusieurs sont ceux qui continuent leur chemin, imperturbables.

Me voyant acheter du crédit pour mon téléphone, la jeune fille vient et s’accroche à mon bras : « Saidia boss ! Imana izoguhezagira boss, uzotunga utunganirwe boss. Hembura umugorwa boss. » (Aide-moi boss ! Dieu te bénira, tu auras une vie aisée. Aide le délaissé boss !)

L’enfant paraît très fatiguée, affamée, sale. Je lui propose de lui acheter à manger mais elle refuse. J’insiste et elle accepte de manger deux beignets. Elle se met alors à transpirer abondamment. Je prends la résolution de l’emmener à l’ombre d’un building pour discuter avec elle.  Après quelques minutes, elle commence à me parler d’elle.

Dans la rue, à raison

Le père de la jeune fille a abandonné la famille pour épouser une autre femme et a démangé de Kinama à Muyinga. Restée seule avec sept enfants, sans aucune ressource, la maman a choisi d’exploiter ses enfants pour survivre. Sans travail, elle préféra envoyer ses enfants,  encore petits, pour mendier.  

Quatrième enfant de la famille, Kévine reste le seul espoir pour sa mère. Les grands frères et sœurs ont quitté la famille. « Personne ne sait où ils se trouvent pour le moment. Ils ont eu peur de la pauvreté dans laquelle ils vivaient et ont fui.  À ce moment, mes grandes sœurs font peut-être la prostitution et mes grands frères sont des voleurs », confie-t-elle, triste.

Un entraînement à la dure

La mère leur a appris à paraitre plus pauvres, pitoyables et vulnérables. L’accoutrement doit être aussi adéquat. Pour venir au « boulot », comme elle le dit, elle doit mettre des habits déchirés et sales.

« Elle nous apprend des vocabulaires  dont on ne connait même pas la signification. Jusqu’à maintenant, je ne sais pas ce que signifie umurushwa . Je ne sais pas si c’est riche ou pauvre. Mais je le dis ainsi. C’est ma mère qui me l’a apprise », explique la jeune fille.

Ils ont l’ordre de ne jamais aller ensemble. Si un va à l’arrêt-bus, l’autre doit aller au marché quand l’autre cherche un bar pour augmenter leurs chances. C’est seulement le soir qu’ils peuvent prendre un bus pour rentrer chez eux (il est strictement interdit de donner leur adresse). La maman veille à ce qu’il n’y ait pas de malversation dans l’utilisation de l’argent. Souvent, elle peut même venir surveiller ses enfants en ville pour être sûre qu’ils obéissent à ses ordres.

Un avenir gâché

La petite fille avoue que son avenir est sombre. « J’ai besoin de quitter la rue, d’aller à l’école et d’avoir plus tard du travail comme les autres, mais ma mère ne le permet pas », se lamente Kévine.

De tels enfants ont besoin d’une assistance. Et pour ça, leurs voisins et leurs proches doivent être les premiers à mener le combat. Alerter, toquer à plusieurs portes. Si rien n’est fait, Kévine, comme d’autres jeunes autres enfants dans cette situation, continuera à subir la loi de la rue et les conséquences qui vont avec, et finira mal comme les autres jeunes mendiantes avant elle.

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Les commentaires récents (1)

  1. Voilà une cause qui vaut largement la peine qu’on se mobilise pour elle. Autrefois au Burundi, un enfant était considéré comme un trésor. Aujourd’hui, il est considéré comme une source de revenus par des familles déboussolées. Dans des pays plus avancés socialement, un loi votée par le parlement institue la protection de l’enfance et de la jeunesse. Un enfant ou un jeune négligé, abusé ou violenté par ses parents sa famille ou ses proches leur est retiré pour être placé sous la responsabilité de l’État, dans un centre de protection de la jeunesse. L’État se charge alors de sa santé, de son éducation et de son bien-être jusqu’à ce qu’il atteigne la majorité légale. Voilà un dossier sur lequel j’interpelle monsieur le Représentant des organisations engagées dans la protection de l’enfance. Au lieu de perdre son temps à débiter des propos d’une insignifiance absolue sur les jeunes et la politique au Burundi comme on l’a vu il y a quelques jours. Il est vrai que les enfants sont le cadets de ses soucis, ils servent au mieux de prétexte ou de paravent derrière lesquels se cache une action résolument politique. Mais ceci n’est pas une exclusivité de ce monsieur, la plupart des organisations de la société civile burundaise jouent dans cette ligue!