Un billet publié sur le blog de la Banque mondiale en 2025 tirait déjà la sonnette d’alarme :« Dans les villes, la population augmente à un rythme vertigineux. D’ici 2050, elle aura doublé, et 700 millions de personnes supplémentaires en Afrique seront en âge de travailler ». Les conséquences de ces prédictions ont fait peur à ce blogueur qui s’est projeté dans le futur pour en parler d’une manière propre à lui.
À cette époque, les données démographiques prévoyaient que le Burundi atteindrait 15 millions d’habitants en 2030. Mais, en 2065, au pic de ce que l’on appellera plus tard la Grande Famine, le pays en compte 32 millions. Les terres agricoles, surexploitées, ont cessé de nourrir. L’eau est devenue rare. Le climat, devenu plus erratique, n’offrait plus de saison fiable.
Entre 2060 et 2065, près de deux millions de Burundais mourront de faim — un chiffre équivalent à plus de 10 % de la population.
2065 ou La Grande Famine
Eve I., documentariste burundaise installée à Nairobi, hésita longtemps entre ces deux titres. Elle finit par choisir 2065 : plus court, plus neutre, moins accusateur. Elle se rappelait ce conseil de son père, ancien journaliste de guerre : « Évite toujours le sensationnel. C’est inhumain. »
Mais elle s’était promis une chose : raconter la vérité. Toute la vérité.
2065 est un documentaire coup de poing. Il réunit plus de trente témoignages, allant de récits d’orphelins ayant vu leurs familles mourir sous leurs yeux, à des confessions glaçantes sur le cannibalisme. On y entend aussi des ONG débordées, des médecins impuissants, des fonctionnaires qui parlent sous couvert d’anonymat. Le film s’inscrit dans la lignée de Shoah de Claude Lanzmann ou de S21 de Rithy Panh. Comme ces œuvres, 2065 ne cherche pas à expliquer, mais à montrer et à faire ressentir.
Des témoignages inoubliables
Le récit de Jeanne R., de Busoni, est l’un des plus bouleversants. On la voit, seule, marcher dans un champ de maïs à perte de vue.
Le silence est total. « Ici, 300 personnes ont été enterrées. Mon mari, mes deux fils, ma mère… Puis ils ont été exhumés. Maintenant, ce champ est vide. Comme moi. » Sa fille, alors âgée de deux ans au début de la famine, a survécu. Grâce à des rats. Des insectes. Échangés contre le corps de sa mère. « Nous n’étions plus des êtres humains », murmure Jeanne. Son regard reste fixé sur l’horizon, comme si elle y cherchait quelque chose — ou quelqu’un.
Busoni fut la localité la plus durement frappée. Certains récits confinent à l’horreur. Une mère, avant de mourir, demanda à ses enfants de manger son cœur. Ils obéirent.
Eve hésita longtemps avant de l’inclure. Elle demanda conseil à son père. Il lui dit : « Garde leur anonymat. Montre la douleur, pas le voyeurisme. Il faut dire la vérité, mais sans se transformer en monstre. »
Une œuvre en noir, blanc… et silence
Le montage dura près d’un an. Eve et son équipe réduisirent des dizaines d’heures à 8 heures et demie. Le choix du noir et blanc s’imposa progressivement. « Les couleurs distrayaient », dit-elle lors d’un entretien. « Elles donnaient presque de la beauté à des choses qu’on ne devrait pas regarder comme de l’art. »
Un cri dans un monde distrait
Le documentaire sort le 11 juillet 2065, Journée mondiale de la population. Un choix symbolique. « Parce que la surpopulation, c’est une donnée qu’on cache sous les tapis du développement. Jusqu’à ce qu’il soit trop tard », confia-t-elle.
Dès les premières secondes du film, une petite voix chuchote, comme à l’agonie : « Cela aurait pu être évité… »
Un impact mondial
2065 sera projeté à l’ONU, aux Rencontres de Genève, et dans plus de 100 festivals. Certains gouvernements tenteront de le censurer. D’autres financeront des traductions. Le film relance le débat sur la surpopulation, le droit à l’eau, la famine comme arme politique.
Certains l’accuseront de misérabilisme. D’autres y verront une œuvre nécessaire, brutale mais salutaire. Une mémoire. Un miroir que peu veulent regarder, mais qu’aucun ne pourra ignorer.

Moi, Kant le penseur, Cette réalité me fait peur car je regarde ds le miroir pr visionner mes enfants du futur et leur vie en 2065 m’inquiète trop bien que je peux ne pas y arriver encore vivant