Ah, l’université…, personne n’en a jamais autant rêvé que moi. Depuis le secondaire, je m’imaginais ce que c’est que de se rendre aux cours en vêtements ordinaires, adieu l’uniforme, ce que ce serait de vivre sur un campus, de rencontrer plein de nouveaux gens, d’avoir mon propre pupitre, etc. Eh bien, toutes ces rêveries sont tombées à l’eau dès le premier jour.
Enfin, le premier jour de la fac est arrivé. Je l’ai attendu avec tellement d’impatience que j’avais même déjà pensé à la tenue complète que j’allais arborer. Jupe fendue sur le devant, chemise à carreaux nouée au niveau du bassin, petit sac à dos féminin rappelant la couleur de la chemise et une paire de baskets toute neuve. Créoles énormes et chignon relevé. Je suis pimpante, et pour cause, c’est le premier jour et je me dois d’être à la hauteur.
Ce jour-là, si j’avais de l’oseille, j’aurais pris un taxi tellement j’avais peur de salir ma tenue. Mais ma modeste condition de nouvelle étudiante ne me permettant pas ce genre de folie, j’opte pour le moyen de transport le plus abordable : le bus. Arrivée au tournant où le bus doit me laisser, je descends et mon front brille déjà sous l’effet du disque ardent qui brûle dans le ciel. Ah non hein, j’ai encore une petite distance à parcourir avant le terminus et je ne compte pas arriver tout en sueur. Alors je me paie une moto, qui me coûte la coquette somme de mille francs. Cela n’a pas l’air de grand-chose, mais sur le long terme, de telles dépenses se font sentir sur le budget. Mais qu’à cela ne tienne. Ma rentrée doit être réussie.
Trop sapée pour…
J’arrive au Campus Mutanga de l’Université Lumière de Bujumbura, vers 9h passées, car l’horaire que j’ai eu la précaution de consulter indique que le cours commence à 10h. Ah liberté ! J’ai pu même me permettre une grasse matinée, dans ces conditions ! Être étudiante est réellement une aubaine, me dis-je.
Je passe alors le portail, et commence à descendre l’allée en pente. C’est alors que je porte mes regards vers les étudiants qui passent et je me rends compte que j’attire leur attention. Je sais que quelque chose cloche, mais je n’arrive pas à cerner de quoi il s’agit. Et soudainement, ça fait tilt dans ma tête. Mais oui ! Je suis bien trop bien habillée pour l’occasion. Je détonne. Je vois de simples jeans et t-shirts partout, et moi qui me suis mise sur mon trente et un. Je commence à cet instant à me sentir mal à l’aise. J’ai envie de me cacher. J’essaie néanmoins de me construire un visage stoïque, et avec la tête haute, je cours me réfugier sous un arbre. J’y trouve une chaise, je m’assieds en essayant de cacher ma cuisse que la fente n’arrête pas de découvrir, et je pianote sur mon téléphone, l’air très occupée.
Pendant que je fais semblant de m’atteler à quelques importantes activités avec mon cellulaire, je me promets que jamais, plus jamais je ne ferai autant d’efforts en m’habillant pour l’université. Et j’ai tenu parole, jusqu’ici.
Au moins, un de mes vœux s’est réalisé
Alors que je m’apprête à me lever pour aller vers la salle d’études pour me renseigner sur mon cours, je vois une jeune fille, toute courte et toute mince, qui a l’air de chercher quelque chose. Soulagement ! Une bleue, comme moi. Je m’approche d’elle, je la salue et elle m’accueille avec un grand sourire. J’apprends qu’elle s’appelle Fiona, qu’elle a opté pour la faculté des Soins Infirmiers. Mais, comme on commence en tronc commun, on sera ensemble pendant les trois premiers mois. Contente de cette rencontre, je me dis que la journée n’était pas si mal que ça finalement. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’on n’a pas cours aujourd’hui. Pour je ne sais quelle raison, le cours a été reporté au lendemain. Oh non ! Je me suis affublée de cette tenue pour rien, j’ai flambé mes mille francs pour la moto pour nada, niet !
Je me sépare ainsi de ma nouvelle amie, lui souhaitant une bonne journée. Et moi, la mine défaite, je me dirige le pas traînant vers la sortie du campus.
Quand j’arrive à la maison, je fais un récapitulatif de ma journée, qui n’est même pas encore terminée. En deux mots, journée décevante. Je croyais que j’allais m’amuser, me faire plein de nouveaux potes avec qui je vivrais mille et une aventures à la fac. C’était mal barré, à ce que je vois. Toutefois, je me reprends aussitôt. A quoi bon condamner toute l’année pour une seule journée ratée ? Je balaye les idées noires et les remplace par des plus optimistes.
Tout va bien se passer pour moi à la fac. Ce ne sera peut-être pas comme dans les films, qui m’ont fait tant rêver, et je profiterai de chaque moment, pour ne rien regretter.