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Mes locks, mon identité : entre fierté et renoncement

Dans une société obsédée par l’apparence, de jeunes hommes talentueux se voient refuser des opportunités professionnelles à cause de leur style capillaire. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’on vous en parle, il y avait déjà eu ce jeune baldé de diplôme qui a dû abandonner son travail et s’exiler à cause de sa coupe de cheveux. En ce jour du 11 mai de commémoration de la disparition de Bob Marley, considéré comme le roi des rastas, revenons sur cette sujet. Mais nuance : ceux qui portent des dreadslocks ne sont pas tous des rastas, et tous les rastas ne portent pas de dreadlocks.

Les dreadlocks, héritage ancestral africain, sont bien plus qu’une simple coiffure : elles incarnent une identité. Fasciné par cette chevelure, j’ai nourri le projet de les porter fièrement après l’obtention de mon diplôme. Quand l’histoire que je vais vous raconter s’est passée, cela faisait deux ans que j’arborais mes dreadlocks, sans que cela ne pose le moindre problème dans mon cercle social et culturel.

Identité ou emploi : faut-il choisir entre soi et sa carrière ?

Lundi, 7 heures du matin. Vêtu d’un pantalon en tissu et d’une chemise bien repassée, je me rends à un entretien d’embauche dans une entreprise réputée de Bujumbura. Je franchi la première étape de sélection, et l’espoir m’anime.

8 h 05 : je suis à l’accueil. Le siège de l’entreprise s’étend sur plusieurs étages, et je croise quelques employés. Leurs regards sceptiques me mettent mal à l’aise. Instinctivement, je vérifie mes vêtements, cherchant une tache ou un défaut. Rien à signaler.

Dans la salle d’attente, je rejoins les autres candidats. L’attente est pesante. Un à un, ils sont appelés. Puis vient mon tour. « Entrez, s’il vous plaît », me dit-on.

Je pénètre dans la salle avec l’intention de répondre brillamment aux questions. Mais dès que je m’assois, je ressens le poids des regards insistants des trois membres du jury. Je fais abstraction et me concentre. Huit minutes à peine s’écoulent avant que l’entretien ne prenne fin abruptement.

Le responsable du recrutement me regarde droit dans les yeux et lâche : « Vous êtes un excellent candidat, mais nous ne pouvons pas vous embaucher. »

Stupéfaction. « Pourquoi ? », demandé-je. « Nous ne pouvons pas confier un poste à quelqu’un qui porte des locks. Cela manque de sérieux. Il serait difficile de vous envoyer représenter l’entreprise en réunion ou auprès de nos clients avec cette coiffure. Vous seriez perçu comme un marginal. Vous ne trouverez jamais de travail de bureau avec cette tête. Rasez-vous si vous voulez être embauché ! ». Le cœur brisé, je quitte les lieux.

Pourquoi les dreadlocks dérangent-ils encore?

Je suis sorti de l’entreprise, assailli de questions sans réponses. Faut-il donc être le meilleur de sa promotion, obtenir d’excellentes notes et réussir les entretiens, pour se voir refuser un emploi à cause de ses dreadlocks ? Ma place serait-elle ailleurs, loin des bureaux ?

Face à cette pression, j’ai cédé. J’ai coupé mes locks, sacrifiant des années de patience, et une part de mon identité, pour me conformer à une norme professionnelle étriquée, fondée sur des préjugés. Une fois de plus, j’ai constaté que de nombreux jeunes sont contraints de renoncer à leur individualité pour espérer une place dans la société.

Pourquoi ce jugement fondé sur l’apparence ? Pourquoi une coiffure ancestrale, symbole d’identité, est-elle encore perçue comme une tare en milieu professionnel en 2025 ?

Il est temps que le monde professionnel évolue, qu’il valorise la diversité et évalue les candidats sur leurs compétences et non sur leur apparence.

Accepter les dreadlocks, c’est accepter la pluralité des identités, des cultures et des choix personnels. Derrière chaque coiffure, il y a une histoire, une personne, un talent qui ne demande qu’à être reconnu et valorisé.

 

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