Les discours intimidants peuvent surgir à tout moment dans des sociétés post-conflits comme la nôtre. Du citoyen lambda à l’autorité publique en passant par les leaders charismatiques, leurs auteurs sont variés. Ceux qui se sentent visés auront tendance à se sentir mis au ban de la société et peuvent rendre la pareille. Comment décoder un discours d’intimidation, quelles en sont les conséquences ? Décryptage avec Vital Nzambimana, mastérant en socio-anthropologie à l’Université du Burundi.
Quelles sont les caractéristiques d’un discours d’intimidation ?
V.N : Pour commencer, permettez-moi d’abord de rappeler ce qu’est la communication. Elle est un outil régulateur des relations interpersonnelles qui possède une double facette : d’une part, la communication nous unit, d’autre part, elle nous détruit. Comme l’a dit Olivier Pierrot, la communication est un ensemble de discours qui nous unissent ou qui nous détruisent. Marshall Rosenberg dans « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), initiation à la Communication Non Violente », nous montre que les mots peuvent être des fenêtres lorsqu’ils nous construisent, nous soutiennent, nous consolent, nous encouragent et nous donnent de la reconnaissance et de l’appréciation. Tandis qu’ils sont des murs lorsqu’ils nous diabolisent, nous détruisent, nous déshumanisent, nous dédaignent, nous rabaissent, nous excluent et nous insultent.
Pour répondre à votre question, un discours d’intimidation est tout discours discriminatoire, divisionniste, sans neutralité axiologique, vexatoire, déshumanisant, bref un discours allant dans le sens du négativisme social.
Y’aurait-il des conséquences liées à la prolifération des discours d’intimidation ?
V.N : Bien sûr et elles sont nombreuses. Un discours d’intimidation conduit souvent au manque de liberté, au désespoir, à la souffrance psychologique et la déchéance morale et spirituelle. A partir de là, ceux qui se sentent visés, rejetés et persécutés peuvent chercher à riposter, ce qui débouche sur des violences tant symboliques que physiques et à la désintégration de la société.
Comment déconstruire ce discours ?
V.N : Comme on le fait dans les cours d’éducation à la citoyenneté ou le patriotisme, je proposerais qu’on puisse introduire dans le système éducatif un module d’enseignement de la Communication Non Violente dans toutes les écoles tant publiques que privées, organiser des clubs de théâtre y relatifs, organiser des formations au sein des entreprises, dans les milieux de santé, dans les administrations publiques, dans les prisons, etc. Il faut faire également des sensibilisations via tous les moyens de communication à savoir la radio, la télévision, la presse écrite, le digital sur la Communication Non Violente. Pour lutter contre ce genre de discours d’intimidation, il faut que les gens à qui ils sont adressés, les minimisent, ne leur donnent pas de l’importance. Ils doivent se focaliser sur d’autres discours les appelant au respect mutuel, à l’harmonie sociale, à l’empathie, à la compassion pour adhérer à la paix juste.