Si vous avez suivi ses précédentes aventures, vous savez que flâner dans Bujumbura, c’est son hobby préféré. Il en a même fait sa spécialité. Après les médecins et les vendeurs de potions douteuses, le voilà tombé sur un autre mystère du quotidien : une confrérie bien discrète… mais redoutablement efficace. Suivez-le, ça vaut le détour !
Comme vous le savez, Bujumbura, c’est mon théâtre, et moi, je suis à la fois spectateur et narrateur. J’observe. Je m’incruste. Et parfois, je découvre des choses qui dépassent l’entendement… comme cette fameuse « confrérie secrète des employés de maison ». En tous cas, c’est le nom que je lui ai unilatéralement donné.
Ce jour-là, en partant chez Patrice mon fournisseur de chapati, une scène a attiré mon regard. Un groupe de trois hommes discutait à voix basse. L’un d’eux avait la tête basse, les épaules voûtées, l’air d’un agneau qu’on mène à l’abattoir.
Intrigué, je me glissai dans un coin stratégique, assez proche pour entendre, assez loin pour ne pas attirer l’attention. Et là, j’ai compris : le jeune homme, c’était un nouvel employé de maison. Et les deux autres, ses aînés dans le métier qui semblaient lui faire une sorte… d’initiation. Mais version film d’horreur.
« Dans cette maison, les patrons, ce sont des monstres. Et la patronne… mieux vaut ne pas en parler », lança l’un avec un air solennel. L’autre renchérit : « Tu vas frotter le sol avec une brosse à dents ! Et attention à ne pas éternuer devant elle, elle pourrait penser que tu es possédé. »
Le jeune homme, lui, devenait pâle à vue d’œil. Pauvre petit !
La stratégie du découragement organisé
C’est là que j’ai eu un flash : ce n’était pas une discussion ordinaire. Non, mes amis. C’était un véritable comité d’accueil, mais dans le mauvais sens du terme. Une confrérie comme je disais. Une sorte de syndicat officieux qui avait pour mission sacrée de décourager toute nouvelle recrue dans certaines maisons réputées « difficiles » de ce quartier. Et croyez-moi, ça fonctionne.
Depuis cette rencontre, je suis passé plusieurs fois devant la maison des soi-disant tyrans, et j’y ai vu un nouveau visage presque chaque semaine. À ce rythme-là, même les chiens du quartier ne vont plus prendre la peine d’aboyer. Ils savent que demain, ce sera un autre visage, un autre prénom.
Alors oui, les anciens restent au chaud, dans leur poste bien acquis. Et les nouveaux, eux, tournent en rond, découragés avant même d’avoir commencé.
Les patrons, eux, se plaignent : « Personne ne tient ici plus de deux jours ! »
Moi, je souris. J’ai percé le mystère.
Finalement, dans ce Bujumbura qui ne dort jamais, même les employés de maison ont leurs stratégies de survie. Et pendant que certains jeunes cherchent encore un sens à leur parcours, d’autres tissent des légendes urbaines à coup de récits exagérés… ou pas.
Mais bon, qui suis-je pour juger ? Moi, je ne nettoie rien, je ne conseille rien. Je regarde, j’écoute… et je mange mon chapati.
Sans filtre ni vergogne,
Léon KabiKeza,
Expert de la bête humaine… sourire en coin, doigt dans le nez.