On ne vous apprend rien : le passeport est un document indispensable pour voyager à l’étranger. Mais obtenir ce sésame au Burundi relève d’un véritable parcours du combattant. Certes, certains le décrochent sans trop de difficultés, mais d’autres attendent de longs mois avant de le recevoir. Un blogueur nous raconte comment il a dû patienter pour obtenir ce précieux titre de voyage.
Tout commence par une proposition de ma grande sœur, installée en Occident. Je suis le parrain de baptême de son fils cadet, qui s’apprête à recevoir le sacrement de confirmation. Nous sommes en septembre 2023 lorsqu’elle m’écrit un message : « Dis, retentons une option pour qu’on t’invite à venir en Europe. Ce genre d’invitation peut être une belle opportunité, car ici, un parrain est vraiment considéré comme quelqu’un de très proche. We never know, essayons ce coup. J’espère que tu as ton passeport ? Le petit aura sa confirmation en décembre, dans moins de trois mois. »
Je suis surexcité. Je lui réponds aussitôt :« Mon passeport a expiré, mais je vais en faire un nouveau. Ce sera même mieux, car les nouveaux durent dix ans. » Dès le lendemain, je me lance dans le processus. Je remplis le formulaire de la PAFE et l’on me programme pour un mois plus tard. Je me dis alors : « Mince ! Si je suis convoqué dans un mois, il me sera impossible d’avoir mon passeport à temps. » Quelqu’un me donne un tuyau : « Mon ami… urikourajujuta. Il faut aller à l’intérieur du pays. Là-bas, c’est du tic-tac ! Il n’y a pas beaucoup de demandeurs de passeports. Au pire, les laissez-passer sont plus convoités. » Pas bête comme idée, me dis-je. Je décide donc de tenter ma chance à Ngozi.
La désillusion
À mon arrivée dans la troisième ville du pays, au bureau provincial qui abrite la quasi-totalité des services administratifs, je constate que mon ami ne m’a pas menti : la file d’attente pour les passeports est bien plus courte qu’à Bujumbura. Je me dis que le pari est gagné. Je remplis toutes les formalités, on me prend en photo… mais, à ma grande surprise, on m’annonce que le passeport ne sera disponible que dans trois mois. Mon corps se glace. J’essaie d’expliquer mon urgence, mais on me répond : « Mushinganta… Tous ceux qui viennent ici sont pressés. Personne ne cherche un passeport juste pour le garder comme pièce d’identité. Tout le monde veut voyager, et tout de suite. Tu dois attendre, les commandes viennent de tout le pays. » Je suis en plein désarroi. Une policière m’invite à m’écarter un peu. « Tu sais, ce qu’ils t’ont dit est vrai. Les passeports viennent de Bujumbura, et nous ne sommes servis que lorsqu’ils sont disponibles. Il faut donc être patient. Mais bon, tu peux me laisser ton contact : je pourrais arranger les choses pour que ton dossier soit traité en urgence. Je t’appellerai dans quelques semaines pour venir le récupérer. Nous devons nous entraider, ça fait partie de nos valeurs, nous les Burundais.»
5 mois d’attente
Enfin une nouvelle rassurante, me dis-je. Je lui glisse une modeste somme pour son « soda », histoire de la remercier, puis je rentre à Bujumbura, confiant qu’en trois semaines mon passeport sera prêt. Je commence à échanger avec elle sur WhatsApp, histoire de garder le contact. Mais, une fois le délai écoulé, elle ne répond plus à mes appels. Après plusieurs messages, elle finit par m’écrire : « Mugenzi… N’ukurindira. Kirugaye. (Mon ami, il faut patienter. Le circuit est fermé.) » Je tombe des nues. Pendant ce temps, du côté de l’Europe, on me fait savoir que mes chances diminuent : le dossier de visa doit, à lui seul, prendre au minimum un mois de traitement. Je redescends sur terre, complètement désillusionné. Mon passeport ne me parviendra qu’au bout de cinq mois. Et jusqu’à ce jour, il est toujours là, flambant neuf, mais vierge de visas.