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La (sur)population, ce n’est pas (encore) notre richesse

On aime bien dire que la population est une richesse. Que si l’Inde ou la Chine ont réussi, pourquoi pas nous ? Mais au Burundi, on fait des enfants plus vite qu’on ne construit des écoles (ne parlons même pas de qualité), des hôpitaux ou des perspectives d’avenir. Et si on arrêtait de fuir le vrai débat : celui de la planification, y compris familiale ?

Je me souviens encore d’un débat au bac, en économie du développement : est-ce qu’avoir beaucoup de gens, c’est un atout ou un frein ? À l’époque, je ne savais pas quoi penser de ce débat. Aujourd’hui, cette question revient, notamment avec la campagne #Twagwiriye lancée par Yaga. En partageant le visuel dans un groupe WhatsApp, un ami m’a répondu directement : « Tu sais que la Chine, l’Inde, même le Nigeria… leur population, c’est leur plus grande force ! »

J’ai eu un petit rire nerveux. Parce que c’est toujours la même comparaison paresseuse. Si la Chine avait si bien géré sa population, pourquoi a-t-elle imposé la politique de l’enfant unique pendant plus de 30 ans ? Ce n’était certainement pas par plaisir. Et surtout, soyons clairs : le Burundi n’est ni la Chine, ni l’Inde.

Ce qui me dérange, c’est cette facilité avec laquelle on transforme un problème réel en slogan d’espoir. On se répète qu’avoir beaucoup de jeunes, c’est une chance. Sur le papier, oui. Mais encore faut-il pouvoir les nourrir, les loger, les éduquer, les soigner, les employer. Et ça, on en est loin.

Notre réalité est tout autre

Un économiste présent dans notre groupe WhatsApp nous éclaire : une population nombreuse n’est pas un problème en soi. Elle le devient si elle est marginalisée, sous-éduquée et livrée à elle-même. Mais bien encadrée, elle peut être un levier de transformation.

Justement, parlons de cet encadrement. Plus de 65 % de la population burundaise a moins de 25 ans, et pourtant près de 70 % des jeunes sont sans emploi ou sous-employés, selon la Banque mondiale. Nos écoles sont débordées, la qualité laisse à désirer, certaines sans bancs ni toilettes. Les abandons scolaires se multiplient, les grossesses précoces aussi. Dans les hôpitaux, un seul médecin peut recevoir plus de 100 patients par jour et l’exode des médecins n’arrange rien. Les terres arables se divisent jusqu’à l’épuisement, les conflits fonciers explosent. On n’a même pas encore les bases, et pourtant, on continue d’augmenter les besoins.

Ce n’est donc pas notre population le problème, mais notre incapacité à la soutenir dignement. Et non, la croissance démographique actuelle n’est pas une opportunité pour le Burundi. C’est un poids que nous ne sommes pas prêts à porter.

Planification : le mot qui choque !

On continue de se trouver des excuses : que c’est contre nos cultures, que « l’enfant est une richesse ». Mais continuer à faire des enfants sans plan, c’est condamner les générations futures. Il nous faut prévoir des politiques, anticiper l’urbanisation, penser à l’habitat.

Parce que nous, nos enfants, nos petits-enfants auront tous besoin d’un chez-soi.

Et sans planification, même nos 27 882 km² ne suffiront pas. Pas besoin d’être expert pour le comprendre. Je ne parle même pas du chômage, vous allez me dire : l’entrepreneuriat ! D’accord. Mais entre les beaux discours politiques sur l’entrepreneuriat et la réalité du climat des affaires, le fossé est encore énorme. Il faut aussi planifier des politiques qui favorisent vraiment l’entrepreneuriat et l’investissement.

Oui, parlons de planification familiale aussi, le mot choque. Certains crient “turondoke !” Mais un enfant que tu ne peux ni nourrir, ni soigner, ni scolariser, est-ce vraiment une richesse ? Ou juste un autre innocent qu’on soumet à la misère ?

Et ce n’est pas juste une opinion. Selon l’UNFPA, chaque dollar investi dans la planification familiale rapporte entre 4 et 6 dollars en retombées économiques. C’est rentable. C’est humain.

Le jour où on aura un système éducatif digne, une économie qui crée de vraies opportunités, et une reconnaissance réelle des droits reproductifs des femmes, alors oui, on pourra dire que notre population est une richesse.

Mais pour l’instant, répéter ce discours comme une excuse pour ne rien faire, c’est dangereux.

Et c’est surtout injuste pour les femmes, les enfants et les jeunes, qui sont les plus exposés.

 

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