La politique de logements sociaux annoncée en grande pompe il y a une année connaît des contraintes, essentiellement liées à l’accès aux financements. La majorité des fonctionnaires et des employés du secteur privé sont pris en sandwich entre des prix de loyers au-dessus de leurs moyens et des coûts de construction très élevée. Comment sortir de l’impasse ?
« Si, au Burundi, on observe actuellement une faible population urbaine, dans les prochaines années, on va assister à un grand exode rural des jeunes sans emplois en quête d’une vie meilleure dans les centres urbains. Le déplacement de cette population résultera principalement de la pauvreté de plus en plus croissante dans les campagnes … Il se posera le problème de loger toute cette population dans les centres urbains et particulièrement à Bujumbura», écrivait Déo Banderembako dans sa réflexion sur le financement du logement au Burundi publié dans le Cahiers du CURDES n°12 de l’Université du Burundi, en janvier 2011.
La prophétie de ce chercheur, il y a 13 ans, est bien arrivée. A Bujumbura comme dans d’autres villes du pays, un problème de logement se pose sérieusement pour des fonctionnaires à revenus bas ou encore pour les sans-emplois. La situation se dégrade rapidement, amplifiée par la conjoncture socio-économique que connaît le Burundi depuis des années. Dans différents quartiers, une maison de location de deux chambres et salon qui était par exemple à 250 mille BIF il y a une année se négocie actuellement à plus de 350 mille BIF.
Effet d’annonce ?
Cette situation prévaut au moment où la nouvelle politique de logements sociaux du gouvernement tarde à se mettre en œuvre. En juin 2023, le ministère ayant les infrastructures publiques dans ses attributions avait annoncé un projet ambitieux de construction de logements sociaux. 50 mille habitants de la capitale économique se sont alors précipités pour s’inscrire sur les listes des acquéreurs potentiels. Le projet prévoyait la construction de 33 mille maisons par an afin d’augmenter le taux d’urbanisation et alléger les coûts de loyers pour les Burundais.
En mairie de Bujumbura, différents sites ont été identifiés à l’instar de Kizingwe-Bihara dans la zone de Kanyosha et SOCARTI dans la zone de Kamenge. Des maquettes de modèles seront même révélées. Dieudonné Dukundane, ministre en charge des infrastructures, avait lancé un appel aux investisseurs privés pour qu’ils saisissent la balle au bond et investissent dans ce domaine.
Presque une année après, le projet tarde à démarrer et les investisseurs tant attendus ne sont toujours pas au rendez-vous. Les raisons évoquées en 2011 par Déo Banderembako sont plus que d’actualité. Les défis majeurs de l’habitat au Burundi restent la disponibilité de financements accessibles et durables pour la construction, le financement hypothécaire ainsi que la mise en place de mécanismes améliorés pour la fourniture sur le marché de terrains aménagés.
Pour ce chercheur, le faible pouvoir d’achat de la population est un autre facteur aggravant. « Les salaires des fonctionnaires et agents du secteur privé sont tellement bas qu’ils ne peuvent pas supporter l’échéance des crédits », écrit-il. Les coûts élevés des constructions ne sont certainement pas étrangères à cela, conséquences d’une inflation presque incontrôlée des matériaux de construction, des terrains et de la main-d’œuvre.
Pris au piège
S’offrir une parcelle à construire actuellement à Bujumbura n’est pas une sinécure. En 2023, un terrain de 400m2 coûtait 60 millions BIF à Gahahe et à Gasenyi tandis que les parcelles viabilisées valaient jusqu’à 100 millions BIF. La construction d’une maison se facture entre 200 millions BIF et 450 millions BIF. Combien de fonctionnaires du secteur public et privé sont capables de s’offrir une maison à ce prix ? Et si ces sommes sont hors de portée pour les petites bourses, les loyers sont également devenus hors de prix.
Selon les statistiques de la Banque centrale, la part des crédits alloués à l’habitat et autres constructions dans les crédits accordés en 2022 représentait 19,4%, soit 551,4 milliards BIF (en deuxième position après la branche commerce). Elle était de 21,8%, soit 434,3 milliards BIF l’année précédente.
Seule une réussite de la politique de logements sociaux est à mesure de nous sortir d’une telle impasse. Pour Déo Banderembako, le Gouvernement devrait créer des conditions techniques et fiscales favorables à l’émergence d’entreprises privées de promotion immobilière notamment dans l’acquisition de terrains à viabiliser et dans l’indemnisation des propriétaires des terres. Et des exemples ne manquent pas dans la sous-région.