Chère blogueuse, je te lis depuis maintenant un certain temps. Tu n’imagines même pas à quel point je m’identifie à tes écrits. Après une soirée un peu mouvementée, je me suis juste retrouvée dans un de tes textes. Très chère, l’eau a coulé sous les ponts depuis que tu l’as écrit, pourtant certaines mentalités n’ont toujours pas évolué.
Il n’y a même pas quelques jours, je suis sortie avec mon frère. J’espérais passer une soirée tranquille, mais… surprise, il avait ses plans à lui. Il voulait me présenter à un de ses amis. Un bel homme si on peut dire, confiance en poche, aux mots bien agencés. Il savait comment parler aux filles et surtout qu’il n’est pas habitué aux refus. Timide que je suis, je lui parlais à peine, après tout, il n’était pas dans mes plans. Après plus d’une heure, vint le moment de régler l’addition, c’est bien sûr à lui que le serveur a amené l’addition (bon, la routine quoi). « Voici ma part ! », ai-je-dis, toute naturelle, en sortant quelques billets pour payer ma consommation.
Je n’oublierai jamais son regard énervé, tellement ses mots sont restés dans ma petite mémoire : « Wibaza ko ntafise amafaranga yo kukurihira ? Ndi umuhungu yiyubaha ». (Tu crois que je n’ai pas assez d’argent que pour payer pour toi ? Je suis un homme respectable !Ndlr) Mon frère qui était à sa troisième bière s’exclama : « Oh, j’ai oublié de te prévenir. Ma sœur c’est une féministe, ne le prends pas personnellement, elle est comme ça, ces trucs de blancs, on leur fait croire des choses, excuse-la ».
Excuse me ?
N’ai-je pas droit d’avoir mes propres valeurs ? Payer mes dépenses ? Ne se lamentent-ils pas que nous sommes des croqueuses de diamants, qu’est-ce qui le choque alors ? Au-delà de toutes ces questions, l’attitude de mon frère me surprend encore plus. Cher bloggeuse, quand tu as dit que le mot féministe prête à confusion, tu n’avais pas tort, c’est toujours le cas aujourd’hui.
Il est vrai que mon frère me présente souvent comme une féministe mais selon lui (comme la plupart de nos compatriotes et d’ailleurs), c’est loin d’être un compliment. A chaque fois que j’interviens avec des propos différents des siens dans une discussion avec ses amis, il me lance un : « Je vous avais dit qu’elle est féministe, c’est une révoltée ». A chaque fois que je lève la voix quand mon père est injuste envers moi ou mes autres frères, pareil, je suis une « féministe ». Quand je décline une invitation d’un gars pour que je puisse faire mes devoirs, quand je fais part à mes parents que je préfère de longues études, que je ne suis pas pressée de me marier, il me rappelle : « Les blancs vous ont menti, arrête d’être féministe on est au Burundi ».
Mais, la confusion est là…
Pour dire vrai, j’en suis moi-même confuse. Suis-je vraiment féministe ? Je n’en sais rien. Qu’est-ce qu’être une féministe ? Peut-être qu’une troisième personne viendra clore ce débat (est-ce un ?).
Ai-je déjà senti la colère à chaque fois que j’étais là pour les quotas alors que je pouvais faire mieux ? Suis-je en colère à chaque fois qu’on accuse aux femmes qui ont réussi qu’elles ont dû écarter les jambes ? Oui ça m’agace ! Ai-je eu envie de crier en voyant toutes ces victimes de viol, quand on balance aux victimes de ceux-ci que c’est leurs fautes, que leur accoutrement incitait au viol, oui encore, ça m’énerve ! Suis-je en colère en voyant ces chiffres sanglants des femmes tuées par leurs maris ? Est-ce que je hais mon père pour les coups qu’il administrait à ma pauvre mère, oui…Mais alors, suis-je féministe ? Je n’en sais rien. Suis-je humaine ? Je pense que oui.
Chère bloggeuse, comme tu l’as dit, peut être que nous sommes des féministes sans le savoir, quoi qu’il en soit, peu importe l’appellation, militer pour ses droits, réclamer ses droits est pour moi une noble cause, un devoir envers soi-même, une quête qui peut sauver plus d’un. Certes, le chemin est encore long mais je ne perds pas espoir. Des bisous. A la prochaine…