Dans son discours, à l’occasion de la Fête du Travail et des Travailleurs, le président de la République s’en est pris aux banques, les accusant d’appliquer des taux d’intérêts élevés et ne pas faire assez pour stimuler le développement du pays. Pour notre contributeur Honoré Mahoro, cela n’est que la partie émergée de l’iceberg bancaire burundais où le client est une vache laitière, le tout béni par la Banque de la République du Burundi (BRB) qui ménage son action pour se sauver de l’hégémonie bancaire.
Carnet de chèques, demande de situation et d’historique, tenue de compte, retrait d’argent en devise pour les transferts internationaux, etc.… Tout se paye avec l’argent du client de la banque, et réclamer son argent pour une erreur à sa banque dans certaines circonstances est impertinent. Les banques burundaises se tromperaient rarement, dira-t-on.
Ce client a par ailleurs un statut ambigu : les privilégiés en premier sont ceux qui peuvent constituer des hypothèques et ceux qui ont des gros salaires avec des contrats de travail stables. Les petits commerçants et les travailleurs aux salaires de misère sont au bas de l’échelle. Malgré la multiplication des microfinances censées proposer de nouveaux critères pour l’octroi de crédit, il semble que toutes les institutions financières affichent la même complaisance aux nantis, et une méfiance à ceux qui n’ont rien à présenter ou pas grand-chose.
A la limite, les banques font du commerce, et je les comprends. Fructifier leur mise est d’abord et avant tout leur priorité. Toutes les lois et règlements mis en place les mettent par ailleurs à l’abri de tout danger. Aujourd’hui, elles vendent elles-mêmes des maisons en hypothèque des clients en défaut de payement. Les commerçants qui ont proposé depuis des années que la procédure de la vente aux enchères soit sous la supervision du juge sont à bout de souffle. Comme tout autre client, le président de la République a d’ailleurs tant raison de se plaindre que les taux d’intérêts sont élevés.
Une banque centrale incapable d’agir
On devait aussi s’interroger sur le rôle de la Banque de la République du Burundi (BRB). Comme plusieurs banques centrales, la BRB a entre autres la mission de conduite de la politique monétaire et de crédit. À ce titre, elle doit veiller notamment à la réglementation des taux d’intérêt des banques. Etant par ailleurs « la banque des banques », la BRB doit prêter des liquidités aux banques commerciales en cas de besoin pour qu’elles continuent à donner des crédits.
Malheureusement, banquier et représentant de l’Etat burundais, la BRB a du mal à défendre les intérêts des particuliers auprès des banques qui sont devenues des créanciers de l’Etat. Sa position de débiteur, lui ôte, dans les faits, le pouvoir et l’indépendance dans ses décisions. Les spécialistes disent que tant que l’Etat continuera à emprunter chez les banques commerciales, il sera difficile de diminuer les taux d’intérêts. En empruntant chez les banques commerciales pour le compte du gouvernement et aux taux intéressants, la BRB encourage la spéculation sur le crédit bancaire alors qu’il a la mission de la combattre. Difficile dans ce cas de corriger les agissements « iniques » des banques contre leurs clients.
Ma peur est de voir perdurer cette situation inconfortable pour les clients des banques. Se plaindre ne changera rien si les organes en charge de réguler le secteur financier, en l’occurrence la BRB, ne saisissent pas le taureau par les cornes pour assainir le marché financier sur lequel les clients seront des partenaires et non des victimes.