Renaître de ses cendres, apprendre à claudiquer, ou mourir de sa belle mort et se réincarner ? Ils sont nombreux à penser que la presse burundaise doit être repensée ou réinventée. La liberté de la presse, ou la liberté d’expression tout court, est-elle à arracher ou à conquérir ? Est-ce à la nouvelle génération de journalistes de rabattre les cartes ou faire la tabula rasa et repartir sur de nouvelles bases ? En ce jour dédié à la liberté de la presse, un blogueur réfléchit à haute voix.
Un jour, alors que nous discutions de l’exercice du métier de journaliste dans un groupe WhatsApp, un collègue a évoqué la phrase-massue souvent prononcée lors des séminaires ou autres ateliers impliquant les historiens du quotidien : « Un bon journaliste est un journaliste vivant ». Du tac au tac, je lui ai demandé si Norbert Zongo était un mauvais journaliste. Un bref débat s’est engagé. J’aurais dû évoquer notre regretté collègue Jean Bigirima d’Iwacu ou encore d’Alexis Bandyatuyaga, mais je parlais à des journalistes étrangers qui ne connaissent pas forcément ces illustres journalistes burundais disparus.
D’ailleurs, actuellement pour museler un journaliste, on peut ne pas le zigouiller. Il suffit de l’embastiller ou de lui faire suffisamment peur et bonjour l’autocensure. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des caisses de résonance qui, à défaut de servir le peuple, s’asservissent au profit des puissants.
Des médias résignés ?
Malheureusement, cet asservissement coûte parfois cher à la liberté de la presse et, par ricochet, à la liberté d’expression. Le journal Iwacu a lancé, il n’y a pas longtemps, une réflexion importante à travers une série d’articles sur comment « Repenser la presse ». Des journalistes de talent, comme Armel Gilbert Bukeyeneza, Abbas Mbazumutima, etc., ont suffisamment abordé la problématique de la presse burundaise. Même des chercheurs de renom dans le domaine des médias, tels que Gérard Ntahe (qui, soit dit en passant, a été mon directeur de mémoire) ont épousseté leurs plumes pour nous gratifier de leurs analyses combien intéressantes. En tout cas, celui qui a lu attentivement ces publications a compris pourquoi la presse burundaise est dans l’état où elle est actuellement. Après avoir lu avec intérêt les avis de tous ces experts, j’ai douté à plusieurs reprises avant de prendre ma plume pour graver ces lignes. Le passage à tabac d’un de nos collègues de Bonesha FM a été comme une piqûre de rappel pour moi : la presse burundaise marche sur œufs. Sandra Muhoza qui croupit toujours en prison nous rappelle aussi que ce métier que nous aimons n’est pas sans danger.
Jamais sans les médias ! Et après ?
Le Premier des Burundais a initié un slogan qui a suscité tant d’espoir parmi les professionnels des médias : Jamais sans les médias ! Mais une question mérite de se poser : qui s’emploie à transformer ce slogan en réalité ? Puisque certaines institutions rechignent à fournir des informations aux journalistes, que faire ? On a entendu dire qu’une loi est en gestation pour les y contraindre. Mais où en est cette loi ? Faut-il encore rappeler la redevabilité des gouvernants envers le peuple qui se fait très souvent par le biais des médias ? En ce moment où le Burundi s’achemine vers la période cruciale des élections, Jamais sans les médias est plus que jamais d’actualité. Pour ceux qui l’ignoreraient, les médias sont un des piliers de la démocratie. Il y en a même qui disent que c’est le 4e pouvoir, à côté du législatif, du judiciaire et de l’exécutif. François Ravel, cité par Jeune Afrique du 15 janvier 2016, disait à ce propos que « la civilisation démocratique est entièrement basée sur l’exactitude de l’information. Si le citoyen n’est pas correctement informé, le vote ne sert à rien ».
Voir grand ou s’asseoir sur les épaules des Géants ?
Paris ne s’est pas construit en un jour. Les médias anglophones de la zone EAC semblent avoir une avance, c’est un fait qu’Armel Gilbert Bukeyeneza, appelé affectueusement AGB par ses pairs, a abordé dans son article. J’ai moi-même pu constater cela lors de ma visite à The Nation Group à Nairobi, un journal de renom kenyan. C’est grand, c’est ambitieux et vous le constatez dès que vous mettez les pieds dans leur immeuble imposant. C’est aussi vrai que nous avons des problèmes. Une presse sans pères, ni repères… AGB a raison de le dire. Tout cela est bien pessimiste, j’en conviens. Mais de petites lumières persistent. Iwacu n’est pas mort malgré les nombreux défis auxquels il fait face. Iris News, ce petit poussin plein de vigueur deviendra grand un jour. Jimbere continue d’aller de l’avant. Fabrice Manirakiza défie les difficultés pour faire un travail soigné. Audry Carmel Igiraneza a sa manière à lui d’aborder l’actualité. Celui qui en doute peut lire ses Uchronies. Bref tout n’est pas perdu, mais le chemin est encore long.