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Cancer du sein : en mémoire de la patiente X

Depuis 27 ans, pour lutter contre le cancer du sein, le mois d’octobre est dédié à la sensibilisation, l’information, la mobilisation, l’enseignement et la vulgarisation. Chez plusieurs, il s’agit d’un non-évènement. Mais pour ce médecin en herbe, le cancer du sein fut une leçon de vie et le mois d’octobre un baptême de feu. Réminiscences.

Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était un matin d’octobre et j’étais plein d’énergie pour ma tour matinale. Je suis entré dans sa chambre et l’ai trouvée à genoux, Bible entre les mains, en train de prier. Lorsqu’elle termina, elle se tourna vers moi et sourit, me laissant découvrir une dentition éclatante. La prière semblait l’avoir revigorée et, au fond de moi, je m’en réjouissais : au moins elle s’accrochait. 

En même temps, des questions subsistaient en moi : « Quand allais-je le lui dire ? Était-elle prête pour ça ? ». Je n’avais vraiment pas envie de plomber sa gaieté. « Attendez un peu », m’avait demandé l’oncle chez qui la petite habitait.  « Elles ne sont que deux avec sa petite sœur. Orphelines de père et de mères, elle est la mère que sa sœur n’a pas eue, elle a toujours veillé sur elle. Si vous la mettez au courant, j’ai peur que la petite n’abandonne même l’école. Ni l’une ni l’autre ne sont prêtes pour ça.». Ces paroles revenaient me rappeler mon incapacité et mon désarroi.

« Muganga nzokira ? Mbe hoho  ngwaye iki ? Maze amezi menshi hano burya. »  (Docteur, vais-je guérir ? Je souffre de quoi ? Je viens de passer plusieurs mois ici). Je ne sus quoi répondre aux questions, j’affichai un sourire gêné mais sincère. Je balbutiai un « je suis là pour toi » puis entrepris de faire l’habituel examen matinal. L’odeur, la couleur du pansement et la profondeur de sa plaie ne donnaient aucun espoir quant à sa guérison. Le cœur lourd, charriant du plomb, je finis ma besogne, croisai son regard toujours souriant, puis m’en allai visiter d’autres chambres, tout en lui promettant de revenir un peu plus tard dans la journée. 

Elle n’avait que 20 ans.

Vers 14h, pendant ma pause-déjeuner, un collègue m’annonça que ma patiente s’en était allée briller sous d’autres cieux. Je m’en allai dare-dare vers sa chambre. On avait déjà couvert son corps, pour l’amener à la morgue. Elle allait me manquer.

C’était une belle jeune fille de 20 ans, intelligente et elle aimait prier. Elle avait toute sa vie devant elle, la croquait à pleine dent jusqu’au jour où une boule se manifesta sous son sein gauche. Elle consulta lorsque la boule s’était transformée en plaie mais il était déjà trop tard. Elle avait un cancer du sein, ne le sut pas à temps, ne consulta pas à temps. Elle aura passé six mois à l’hôpital, bravant ses souffrances avec des « Notre père», résignée, malgré elle, à se gaver d’antidouleurs jusqu’à la dernière seconde.

Une leçon de vie.

En ce mois d’Octobre Rose, quelques années se sont déjà écoulées, mais je me souviens toujours. Son nom importe peu mais puissions-nous nous identifier à elle. Nous nous devons de prendre nos vies en main, améliorer nos connaissances et pratiques dans le cadre de la prévention du cancer du sein pour un meilleur avenir. Ce mal n’épargne personne. Et les garçons et les filles, tout le monde peut y passer. Prenons des initiatives, consultons, informons et surtout anticipons car le cancer du sein est l’une de ces maladies qui guérissent quand elles sont diagnostiquées à temps.

Cette patiente fut le premier décès que j’ai enregistré aux débuts de mes stages en médecine. Elle fut une leçon de vie pour les années qui ont suivi ma formation. Elle me rappellera toujours l’Octobre rose, son origine, ses implications, et surtout les vies à risque et qui peuvent encore être sauvées.

 

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