Il suffit de se rendre à la messe pour le voir. L’Eglise catholique met le prêtre en avant, en sa qualité de guide de conscience, de maître spirituel et de conseiller civique. Mais ne vous y trompez pas. Le prêtre ne se réduit pas tout de même à ce célébrant en chasuble que nous voyons à l’autel. Il a bien d’autres contours, bien de combats et d’intrigues. Faisons-en le tour.
En plus de le voir présider la messe à la cathédrale ou dans les paroisses, il se promène aussi dans les rues de la ville, va au marché, sillonne les campagnes, fait des visites dans les ménages et consort. Au premier abord, on est tenté de voir en lui un homme comme les autres. Loin s’en faut : il a une mission bien particulière.
Au Burundi, les prêtres locaux n’ont pas toujours été nombreux. Avec le temps, des jeunes de tous les coins du pays se sont engagés et ont été ordonnés prêtres. Toutefois, pour l’Eglise catholique, difficile de fonder une communauté sans distinction d’ethnies, de races, de religions et d’appartenance politique dans un pays dominé par des tendances politiques et religieuses émaillées de certains penchants nocifs. C’est ça aussi le combat du prêtre. Pour parer à des situations complexes auxquelles il sera inévitablement confronté, il est rigoureusement préparé au cours de sa formation.
Une formation consistante
La préparation des prêtres est presque la même dans le monde entier avec quelques variations selon les pays. Leurs maisons de formation sont généralement des séminaires, des lieux calmes pour l’apprentissage. Au Burundi et au Rwanda, cette formation s’étend sur minimum huit ans accomplis après les humanités générales ou après l’université. Cette période est subdivisée en cycles : trois ans de sciences philosophiques qui se soldent par l’obtention d’un diplôme de baccalauréat en philosophie, une année de stage et quatre ans de sciences théologiques après lesquels le candidat reçoit un diplôme de baccalauréat en Théologie et l’ordination sacrée.
Cette période de formation est estimée relativement suffisante pour la maturité. Surtout dans notre pays où la pauvreté et les crises sociopolitiques ont infligé des traumatismes dont le caractère insidieux ne permet pas toujours une guérison rapide. Il est important que les blessures des futurs pasteurs soient bien pansées ou cicatrisées afin d’éviter que certains n’aillent remuer le couteau dans la plaie des brebis.
L’homme aux mille défis
Le prêtre est célibataire. Il vit en communauté avec ses confrères. D’aucuns s’en soucient parfois plus que lui-même. Le clergé de notre époque reste intransigeant à ce sujet : pas de mariage pour les consacrés. Les déviations qui se font voir dans les milieux religieux ne sont pas celles qui vont faire fléchir cette position. Objet de mille et une critiques, le prêtre y fait toujours face sans broncher.
Le Burundi a été le témoin de massacres et de pogroms face auxquels le prêtre n’est pas resté impassible. Depuis l’indépendance, il n’a pas cessé de tirer la sonnette d’alarme. Qu’il suffise de penser aux discours de Mgr Michel Ntuyahaga ou de Mgr Joachim Ruhuna.
23 octobre 1960. Lors de son investiture dans la cathédrale Regina Mundi, Mgr Ntuyahaga s’adresse au Résident du Ruanda-Urundi Jean-Paul Harroy en ces termes : « Les troubles qui secouent le Rwanda et menacent le Burundi, la peur qui se manifeste dans nos deux populations, ne pourront être conjurés que par une autorité sincère et intègre qui puisse servir d’arbitre et de conciliatrice ». S’il avait été seulement écouté, peut-être que l’histoire du Burundi n’aurait pas été celle qu’on connaît. Quant à Mgr Ruhuna, son plaidoyer pour la paix lui a coûté la vie.
Les prélats comme Mgr Simon Ntamwana et Mgr Gervais Banshimiyubusa ne mâchent pas les mots quand il s’agit de dénoncer les crimes perpétrés dans le pays. Chaque fois que le peuple est mis en péril, le prêtre monte au front. Nous l’entendons s’indigner contre les autorités politiques, mais peu de fois sont celles où il est considéré. Il n’a malheureusement ni arme ni munitions pour s’imposer. C’est assez audacieux de pointer du doigt quelqu’un dont le pouvoir est débridé, mais le prêtre le fait à ses risques et périls, contre vents et marrées pour tenter de modeler un monde dont la bonté et la beauté peuvent dégénérer du jour au lendemain.
Lumière d’un monde en grande mutation
Le rôle joué par le prêtre dans le monde actuel est sans précédent. De nouvelles idéologies, des abus du pouvoir, des violences de tout genre, la pauvreté et la misère sont autant d’entorses qui interpellent l’homme de l’autel. Comment oublier le « Sindumuja » de Mgr Ntamwana qui a fini par devenir un slogan bien populaire depuis 2015. Le même prélat avait émis en 1991 une lettre pastorale très significative sur la situation politique d’alors : « Laisse partir mon peuple ». Comme à l’accoutumée, cette production de l’esprit n’a pas été considérée et tout un cortège de malheurs a suivi pour endeuiller la nation entière.
Ce n’est pas anodin de souligner ces efforts déployés pour éclairer et guider les consciences. L’Abbé Michel Kayoya d’heureuse mémoire, sidéré par la pauvreté des Burundais, va pousser un cri de désespoir, reprenant le texte du livre de l’exode : « J’ai vu la misère de mon peuple ». Chaque fois qu’une lettre pastorale est lue, au sortir de la messe, des gens murmurent sous cape. Le message, bien souvent critique, dérange mais il passe quand-même.
En fin de compte, le prêtre n’est pas là uniquement pour soulever ce qui ne va pas. Il participe au développement du pays. Il construit les écoles et y dispense un enseignement qui prône l’humanité. Il construit des hôpitaux, des orphelinats, des centres pour handicapés, etc. Les différents synodes qui viennent d’être célébrés dans les diocèses du Burundi sur la paix et la réconciliation ont eu ce consensus que « le développement est l’autre nom de la paix » reprenant les mots du Pape Paul VI dans son encyclique Populorum progressio. Ils soulignent l’importance de la paix et la tranquillité pour l’essor de la nation. Il serait très périlleux de toujours vouloir étouffer la voix du prêtre. C’est un joyau pour le peuple.
Qu’ils trouvent ici l’expression de Notre solidarité à leur combat. Prions avec eux et pour eux, les déviations qui ternissent l’image même de l’Eglise ne peuvent pas nous décourager car nous savons que c’est le plan du diable!Vive le prêtre