Pourquoi Nkurunziza a-t-il choisi de prêter serment le 20 août et d’annoncer cette prestation de serment au dernier moment ? À partir de cette question, le bloggeur Alain Amrah Horutanga explique, non sans humour, que cette décision du président, rendue possible par l’ère numérique, était motivée par son amour pour les Burundais.
Au Burundi, depuis 2005, nous sommes habitués aux grandes cérémonies d’investiture du président élu. Un jour férié, la ville qui se vêtit de sa plus belle robe… Cela n’a pas été le cas pour 2015. Voir notre président avancer la date de la prestation et prendre tout le monde de court, voilà la tasse de thé qui fut servie tôt le matin aux Burundais via Twitter. Un fait nouveau.
L’ère de la dernière minute
La traditionnelle attente du journal du soir n’a plus de place dans un monde où les nouvelles technologies de l’information envahissent notre quotidien. Un tweet suffit.
« Exécution, réclamation après », disent les militaires. Ce qui s’est passé est dans la même logique.
Les anciens codes peuvent être mis à la poubelle. Certains disent que la mission de Niyomabare était vouée à l’échec parce qu’il ne s’était pas créé de compte Twitter présidentiel le 13 mai, jour où il tenta de renverser le président. Je crois qu’aujourd’hui, je peux donner du crédit à cette analyse.
La première conséquence de l’annonce expresse de Nkurunziza fut que les journalistes, et peut-être même les diplomates accrédités à Bujumbura, n’ont eu que deux heures pour se préparer afin de prendre place dans le palais de Kigobe où se déroulait la cérémonie d’investiture. « Exécution, réclamation après », disent les militaires. Ce qui s’est passé est dans la même logique.
C’était la surprise générale. « Invraisemblable », disaient certains au petit matin du 20 août. Les cérémonies d’investiture demandent des répétitions, une certaine ébullition dans les rues, il faut aussi tailler les fleurs ou encore préparer la programmation musicale. Quand les répétitions ont-elles eu lieu ? Quels ont été les pays prévenus ? Ils ont voulu tenir au secret cette investiture et cela a été réussi. Ils ont été, cette fois, des « Bagumyabanga » (ceux qui gardent le secret).
Le calendrier de l’âge de Pierre
Nkurunziza I et II ne sera pas Nkurunziza III. Ce dernier aura toujours une longueur d’avance sur ses détracteurs avec un calendrier qu’il s’est lui-même confectionné.
La notion des jours et du temps est totalement bouleversée pour coïncider avec les besoins du pouvoir.
Évidemment, les exemples les plus saillants de l’imposition d’un calendrier taillé sur mesure par et pour le président sont connus : les élections se sont déroulées à des dates imprévues et la fameuse prestation de serment du 20 août dernier, était initialement prévue le 26. Mais un autre exemple frappant et amusant est cette lettre du ministère datée du 27 août mais qui fut envoyée aux concernés le 24. La notion des jours et du temps est totalement bouleversée pour coïncider avec les besoins du pouvoir.
Une décision généreuse
Alors, vous me direz, on pourrait se plaindre de n’avoir pas eu une journée fériée pour l’investiture à cause de ce nouveau calendrier présidentiel. Mais en fait, le président nous inculque l’amour du travail. Son ex-ministre de l’intérieur nous l’avait déjà dit : « Le burundais est naturellement paresseux. » Je soutiens.
On pourrait aussi regretter qu’il n’y ait pas eu le fameux défilé des chefs d’État et de gouvernements. C’est vrai que c’était spectaculaire de voir atterrir à notre aéroport (qui n’a qu’une fréquence de trois avions par jour) une quinzaine d’appareils en un seul jour. Mais encore une fois, je comprends. Au-delà des moyens financiers que nous possédons en petite quantité pour les restaurer et les loger, il fallait assurer la sécurité des personnalités présentes sur notre territoire. Là encore, le président nous aime.
Sa propre sécurité est un casse-tête. Assurer celle des autres, c’est asphyxier les burundais davantage. Les déplacements du président perturbent déjà nos journées. Imaginez combien auraient été ubuesques les déplacements d’une quinzaine de hautes personnalités étrangères. Confinés dans un petit coin d’un mètre carré pendant au moins 24h, voilà ce qui aurait été notre sort.
Alors, notre président vous aime, n’est-ce pas ?