article comment count is: 1

Une lettre de l’au-delà : « J’aurais aimé être sauvé… »

La dernière nouvelle de Paul, qui s’est suicidé à Cankuzo le 14 octobre, ne m’a pas laissé indifférent. Quelques jours avant, une autre fille s’était suicidée dans cette même province. Il y a une recrudescence de suicides à Bugendana et Kayanza. Sans vouloir me faire l’avocat du diable, dans un pays où, selon l’étude de 2019, 6.4 % des Burundais ont tenté le suicide, et 3 % de ceux-là sont allés jusqu’au suicide, cette affaire devrait nous pousser à la réflexion. Que nous dirait le suicidé Paul de Cankuzo ? Dans cette petite missive, j’essaie de me glisser dans sa peau.

Cher Burundais, 

Le suicide fait rage au Burundi. La commune Bugendana, avec ces 180 cas, est le porte flambeau. Malgré cette réalité, les mots comme « Hiyahura uwarozwe » (se suicide celui à qui on a ensorcelé) et « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, et l’espoir fait vivre », montrent que le suicide est un terme insaisissable au Burundi.  Le suicidé est vu comme un damné qui s’ouvre lui-même la porte de l’enfer éternel. Même la messe des morts ne lui est pas célébrée à son enterrement.

Mais, laissez-moi vous dire une chose. Si vous croyez que je suis en enfer, sachez plutôt, avant de me condamner, que je vivais déjà l’enfer sur terre. Un enfer incomparable à celui que je vis aujourd’hui, au point de me dire que par rapport à la vie, la mort est mieux. Eh oui, ce n’est pas parce que vous êtes mentalement plus forts pour résister aux griffes de la vie que les autres ne doivent pas y succomber. Quand quelqu’un décide d’arrêter de vivre sans penser à ceux qu’il va laisser, sachez que ce dernier a arrêté de vivre depuis un bon moment. L’avenir ne me promettait aucun espoir, et mon existence était si insupportable que j’ai préféré y mettre un terme.

Au fond, vous y avez joué un rôle

Derrière mon suicide, se trouve un désespoir, un cri silencieux au milieu d’un entourage sourd et aveugle. Les indices laissés à ma famille et proches amis pendant les semaines précédant l’acte, étaient plus parlants, pour qui sait écouter. Car, oui, c’est vous, qui poussez des gens au suicide. Vous qui portez un doigt accusateur à ces gens que la vie déprime, ou qui rendez la vie dure et sans espoir, au lieu de leur tendre la main ou une épaule de secours.

Jusqu’aujourd’hui, je suis convaincu qu’il n’y a pas plus violente claque qu’un entourage sourd et aveugle qui n’a pas su voir, lire, écouter mes imperceptibles indices. Mais ces jours-ci, qui sait écouter ? Qui peut voir ? Qui peut comprendre ? 

Changeons la mentalité

J’aurais aimé être sauvé, de justesse, au dernier moment lorsque mon cœur allait s’arrêter. Combien de personnes pensent à se suicider sans jamais partager leurs pensées parce que la société leur est sourde. Ces personnes sont autour de vous. Vous les appelez amis, frères, collègues. Alors, arrêtez de faire l’autruche. Comme quelqu’un qui a franchi la barre de vie à trépas, je reviens via cette lettre pour vous dire que quand vous voyez quelqu’un qui fout vraiment sa vie en l’air, que votre premier réflexe soit de lui tenir la main, de prier avec elle, de l’écouter et de lui parler à cœur ouvert. Dans un pays où le suicide est réel, encouragez la discussion, posez des questions, écoutez réellement ce que vos proches ont à dire. Écoutez-les parce que bien souvent, les signes ne sont pas si invisibles que ça.

Soyez donc cet ami, ce collègue, cet inconnu qui tend l’oreille et qui est présent d’une façon ou d’une autre, même à distance. Je n’aimerais pas que d’autres prennent le chemin que j’ai pris. Et à tous ceux qui pensent que la mort est un soulagement, je vous conseille de tenir bon, d’en parler, de vous faire aider, et de choisir toujours la vie.

Votre défunt frère Paul.

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion

Les commentaires récents (1)

  1. Biba vyiza umuntu yumvirijwe n’abagenzi,incuti,n’ikibano mugiye afise ikibazo kuko uravye agera kwiyahura yaseserejwe akabura uwumuremesha ariko ntimwibagire ko n’akaroge kabaho akiyahura kuko yarozwe