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Course contre la montre pour les femmes à Ruhororo

L’après-midi de ce 5 novembre 2020, a circulé sur les réseaux sociaux une mesure prise par l’administratrice de la commune Ruhororo en province Ngozi. Celle-ci proclame un couvre-feu à 20h00 pour les femmes dans cette commune, ce qui n’a pas laissé indifférente la blogueuse Dacia Munezero. Indignation.

20h00. Pas une minute de plus. C’est l’heure imposée par l’administratrice de la commune Ruhororo aux femmes de sa localité pour qu’elles soient rentrées et surtout pour qu’elles aient quitté les bars.  

Quand j’ai lu le communiqué  sur les réseaux sociaux, mille et une questions ont traversé ma tête : cette décision a-t-elle été prise par souci de préserver « la culture (déjà patriarcale) et les traditions burundaises » ? Ou est-ce une question d’économie pour que «  l’argent de la famille » ne soit pas gaspillé dans les bars? Plus étonnant encore: « Quelle faute y a-t-il à être dans un bar au-delà de 20h, si on consomme son propre argent et qu’on ne dérange personne ? » Qui saura me répondre ?

Légitimation des violences conjugales

Je n’ai nul doute que, s’il y a déjà des hommes à Ruhororo  qui étaient violents  envers leurs femmes quand elles rentraient « tard », cette mesure ne sera qu’une légitimation, un soutien tacite qu’ils viennent de décrocher de la part de l’administration communale. 

Désormais, si ce n’est pas son mari qui l’insulte ou la frappe purement et simplement, l’administration se chargera de la punir ; le communiqué est on ne peut plus clair. 

Ma plus grande désolation est de voir combien de séminaires, d’ateliers, de projets et j’en passe qui se tiennent partout dans le pays pour encourager la femme à aller de l’avant, à être autonome, à réaliser ses ambitions, à élire et se faire élire, etc. Tout ça pour…ça ? Pour qu’à la fin, ce genre de mesures restrictives ait encore droit de cité ? Et en plus, sous la houlette d’une femme. Paradoxe !

J’avoue avoir cru à un certain moment, que tous les interdits contre les femmes viendraient des intentions machistes de certains hommes et que tout irait bien si on avait plus de femmes au pouvoir. La bonne blague ! J’en ris maintenant.

Violation de la Constitution

Mais franchement, si nous sommes dans un Etat de droit et de liberté, où nous sommes régis par les mêmes lois sur toute l’étendue du pays, pourquoi à cette heure-ci une partie de la population doit subir une course contre la montre pour rentrer à la maison alors qu’aucune catastrophe ni danger imminent ne la guette? 

Ce couvre-feu imposé par l’administrateur aux femmes n’est pas une première. D’autres l’ont fait avant : Musongati à Rutana, Giteranyi à Muyinga en 2019, etc. Et la même cible, encore et toujours : les filles et les femmes. Toutes ces mesures ont en commun un manquement de taille. Elles piétinent l’article 22 de la constitution du Burundi qui stipule que : « nul ne peut être l’objet de discrimination du fait notamment de (…) son sexe », et son article 25: « Tout être humain a droit à la liberté (…) de mouvement ». 

Ironie de l’histoire, malgré que le pourcentage des femmes dans les instances politiques ait augmenté cette année, rien n’a changé. A quand le respect des droits des femmes ?

Ce qui me rend malade, l’événement va faire les gros titres pendant 2 ou 3 toujours et puis ce sera le même schéma : gros titre, commentaires et puis silence radio. Après l’extinction des projecteurs,  les femmes de Ruhororo vont rester sous haute surveillance, ne pouvant pas partager tranquillement un verre sans se sentir hantées par l’heure qui avance.

Entre temps, dites-moi, madame l’administratrice, celles qui seront accompagnées de leur mari seront–elles « pardonnées » vu qu’elles seront « chaperonnées » ? Votre mesure n’est pas claire là-dessus. Et désolée,  elle ne mérite pas des acclamations.

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Les femmes réclament plus de places dans les instances de prise de décisions. Est-ce pour bien manger ou défendre les droits élémentaires des femmes. Une femme administratrice qui met à genoux toutes les femmes de sa commune. Pourtant il y a des ministres, des sénateurs et des parlementaires de sexe féminin. C’est limpide qu’elles représentent leurs propres personnes et pas plus.