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Burundi-Rwanda : comparer l’incomparable

Si Kagame n’a pas été inquiété pour son troisième mandat, pourquoi s’en prendre à Nkurunziza ? Une question qui n’a pas lieu d’être selon le journaliste-blogueur Armel-Gilbert Bukeyeneza, mais qui continue pourtant à alimenter la polémique. Analyse.

Comment après avoir succombé à la même tentation du troisième mandat, Nkurunziza a été sous le feu des invectives, et Kagame mis sur un piédestal ? « C’est de la real politik, du deux poids deux mesures. C’est injuste, malhonnête, absurde… » Les analyses foisonnent. Les critiques pleuvent. Mais curieusement, nous nous arrêtons sur le « comment ». Rares sont ceux qui grattent la peinture, cherchent à comprendre par exemple pourquoi après le troisième mandat de Nkurunziza, le Burundi a été plongé dans une nouvelle crise politique, avec des morts et des exilés, alors qu’au Rwanda, l’unique problématique est restée la compétitivité économique ? C’est sans aucun doute la patate chaude des commentateurs.

Recadrage

D’où vient la règle des deux mandats ? Au Rwanda, elle semble être le fruit d’une conscience morale du tout puissant Front Patriotique Rwandais (FPR) qui a pris le pouvoir par la force, après avoir mis fin au génocide de 1994. La Constitution et autres lois du pays sont taillées sur mesure par et pour le même parti-Etat qui décide s’il doit pleuvoir ou neiger sur Kigali. Un mode de gouvernance qui, jusqu’à présent, fonctionne sans couac. La preuve : la candidature pour un troisième mandat de Paul Kagame, homme fort du FPR, est passée comme une lettre à la poste.

(Mal)heureusement ce modèle ne peut pas marcher, et n’a pas marché au Burundi. La limitation des mandats ne vient pas du Cndd-Fdd, mais des accords d’Arusha, un texte obtenu au prix du sang des innocents et de la sueur des protagonistes politiques, un consensus qui a permis de ramener la paix, la stabilité politique et institutionnelle, d’endiguer les démons de la haine ethnique, après avoir inspiré la Constitution du pays. Fouler aux pieds cet accord, c’est jeter à la poubelle tous ces acquis susmentionnés. Conséquences : l’ONU parle déjà des centaines de morts, conséquence de la crise du troisième mandat au Burundi. Les organisations des droits humains évoquent, elles, près de deux mille morts. Selon le HCR, le Burundi compte aujourd’hui plus de 400 000 réfugiés. La banque mondiale parle d’un taux de croissance négatif en 2016. Tout ça pour ça…

Le Burundi n’est pas le Rwanda. Nous ne pouvons pas blanchir Pierre parce que Paul a fait la même chose. D’ailleurs, « deux mandats » n’est pas une norme universelle. L’allemande Angela Merkel s’apprête à en briguer un quatrième. En Ouganda on n’en compte plus. Mais Yoweri Museveni, « un merveilleux dictateur » selon ses propres mots, reste un des grands partenaires des Nations Unies, de l’Union européenne,…dans la sous-région. Parce que comparaison n’est pas raison. Et que chaque pays a son histoire. Les Burundais, eux, s’étaient convenus de s’en tenir à deux quinquennats. Pas plus !

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Les commentaires récents (7)

  1. Permets moi de rectifier. L’accord d’Arusha a lui seul n’a pas ramene ni la paix ni la stabilite. Il faut prendre Arusha en liaison avec les autres accords comme l’accord global de cessez le feu.

    La contribution de l’accord d’Arusha de 2000 a plutot ete comme tu dis, d’inspirer la constitution actuelle et les arrangements de partage du pouvoir. Et qui en a beneficie?
    C’est l’elite politique. Le paysan a continue a endurer la souffrance de la guerre jusqu’en 2004 avec l’integration des groupes armes.

    Tu dis vrai qu’il ne faut pas comparer le FPR au CNDD-FDD.

    Le premier a une marge de manoeuvre assez large alors que le second, a cause des arrangements de partage du pouvoir, n’a pas bcp de marge et qu’il doit constamment composer avec des opposants.
    Est-il possible que les membres de l’opposition sabotent le gouvernement? Ce ne serait pas etonnant.
    L’accord d’Arusha et la constitution qui en decoulent prennent en compte les interets des elites et ont cree un systeme qui ne favorise pas le developpement mais plutot l’assouvissement des interets personels de l’elite.

  2. Hehehe!#compare l,incomparable?comment peut-on ne pas comparer deux frere ne d,une meme mere,pour une meme date meme heure?la voie d,accession au pouvoir de Paul ne lui donne pas droit eternel,S.E NKURUNZI a demontre avec succes sa force apres un temps de robing mene par vos confreres actuellement occidentaux!la #constitution va bientot etre amande pour en fin en finir avec ces ridicules analyses et accelerer le dvpt ce pays!aimer votre pays que l,autre,vous resteriez burundais malgre tous!

  3. J’ajouterais aussi une autre dimension qui semble être ignorée: l’amendement à la constitution rwandaise ne supprime pas la limite des deux mandats. Il ne fait qu’à ajouter à Paul Kagame le nombre de mandats potentiels à briguer. Ce qu’apparemment Pierre Nkurunziza et ses supporteurs semblent vouloir s’en débarrasser. Reste à savoir si entre-temps, le FPR va profiter de ce délai pour trouver un successeur au président actuel ou bien à faire ce que le parlement ougandais a fait pour M7 en 2003.

  4. L’enjeu géopolitique est plus important au Burundi qu’au Rwanda.
    Le Burundi a été dans l’Histoire politique de cette région des Grands Lacs l’Etat le mieux organisé. C’est ce passé qui joue des tours au vieux Royaume millénaire des Barundi. Le Rwanda n’a jamais été un Etat.

  5. On ne compare pas non plus Dialogue et victoire par bataille… FPR a eu victoire en livrant une bataille tandis que le CNDD FDD a eu le pouvoir suite aux négociations et Dialogues d’Arusha.