Loin de la rhétorique de ces six dernières années, c’est la délégation de Gitega dirigée par Ezéchiel Nibigira, ministre ayant les affaires de la communauté est-Africaine dans ses attributions qui a été reçue à Kigali. De quoi permettre aux populations des deux pays faux jumeaux d’espérer le dénouement de la crise.
L’image est rarissime pour passer inaperçue. On aperçoit les envoyés de Gitega et leur hôte, l’homme fort de Kigali en personne, posés ensemble, visages masqués (ça ne blague pas, la lutte contre la Covid-19 chez le voisin du nord). Le décor est planté. Sans équivoque, c’est un signe que les deux pays en passe de devenir des ex-ennemis sont en train d’opter pour la voie du dialogue. Et ce au plus grand sommet. Via son compte twitter, c’est le bureau du président Paul Kagame qui fera savoir que le ministre burundais était porteur d’un message du numéro un burundais et que les discussions s’étaient focalisées sur la consolidation des relations bilatérales. Des discussions qui font suite aux autres du même genre mais à l’échelon, disons-le, inférieur.
Car, dans un passé pas si lointain, il y avait eu des rencontres pour la décrispation. Entre les patrons de la diplomatie d’un côté et entre les gouverneurs des provinces limitrophes de l’autre. Ce genre de contacts se sont faits également entre les forces armées et les services de renseignement des deux pays.
Le 1er juillet 2021, c’est le premier ministre rwandais, Edouard Ngirente qui avait fait le déplacement. Non sans s’attirer les faveurs de Gitega qui avait salué le geste posé.
Ces contacts ont contribué à l’évolution de la situation en cours. D’ailleurs, certains actes de ce dégel sont à noter : l’image des 19 combattants du mouvement Red-Tabara remis à Gitega est loin d’être oubliée. Autant dire que cette dernière rencontre s’inscrit dans la continuité de ces initiatives de désescalade.
On est, dans tous les cas loin des invectives auxquelles nous avaient habitués les officiels des deux pays lorsqu’ils se regardaient en chien de faïence.
Des contacts impensables il y a six ans
« J’en reviens pas quand je me rappelle des manifestations organisées à Bujumbura contre Kagame », réagira un compatriote après la rencontre de ce 10 janvier 2022.
Justement, il n’est pas le seul à être étonné de l’évolution de la situation. On se rappelle encore de la tension qui rythmait les relations des deux voisins. Le Burundi qui accusait Kigali d’abriter les présumés putschistes de 2015 et le Rwanda qui accusait le Burundi d’abriter les rebelles du FDLR ou des FLN que la grande muette d’outre Kanyaru (comprenez ici le ministère de la défense) soupçonnait d’attaquer le Rwanda depuis le territoire burundais.
C’est donc autant d’incidents qui avaient marqué les relations entre les deux pays qui menaçaient d’en venir aux mains. Mais tout ça semble être révolu. C’est en tout cas ce que veut bien nous promettre ces contacts qui, peut-être, déboucheront à la rencontre des dirigeants des deux pays.
La prudence s’impose
Disons-le : les questions en suspens demeurent. C’est notamment le sort des présumés putschistes dont Kigali est accusé d’héberger, la pomme de discorde selon le premier ministre burundais. Le pragmatisme veut bien qu’on lise l’évolution de la situation avec lucidité, histoire de dépassionner cette marche de l’histoire.
Mais le fait est que l’histoire des relations entre les Etats est aussi caractérisée par des hauts et des bas. Des hauts et des bas qui se négocient et qui débouchent aux compromis ou aux confrontations au gré des enjeux et intérêts du moment. Ce n’est pas Kigali et Gitega avec leurs histoires troubles qui feront exception.
Une chose est sûre, de part et d’autres, les populations des deux pays n’attendent que le dénouement de la crise pour retrouver la liberté de mouvement des biens et des personnes d’antan. Il suffit de visiter le réseau à l’oiseau bleu et celui de Mark Zuckerberg pour le constater après la rencontre du 10 janvier. Rencontre qui, rappelons-le, n’a rien laissé filtrer jusque-là sur la teneur des discussions.
C’est une chose très belle