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Coupure internet : au-delà des enjeux électoraux

S’il y a un fait qui aura marqué la journée du vote de ce 20 mai 2020, c’est le  « shutdown » des réseaux sociaux… levé 36 heures après ! Canal d’information pour les uns, gagne-pain pour les autres, la coupure a dans tous les cas des conséquences… 

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, ce « social media shutdown » m’a touché de plein fouet. Avant le rendez-vous électoral ce mercredi, j’avais un autre rendez-vous et non des moindres. Et imaginez quelle a été ma stupéfaction quand je me suis réveillé à 5h30 pour trouver que rien ou presque ne marchait côté réseaux sociaux. Parce que pour moi, sans internet, tout s’arrête ! Et je ne suis qu’un exemple parmi des milliers. 

Pour vous faire un parallélisme, imaginez par exemple un journaliste qui avait un rendez-vous pour une émission/un journal en Facebook live et les conséquences que cette coupure a entraînées en terme de crédibilité, en plus du travail non fait. Et oui, parce qu’à l’heure de la mondialisation et avec une « génération du cliquage » pour reprendre l’Abbé Ntabona, difficile de se passer d’internet !

D’une contribution non négligeable…

Avec un apport estimé entre 5 % et 6 % du PIB africain, Internet et réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans l’économie des pays en développement. Et ce n’est pas le Burundi qui ferait exception. En effet, une étude de l’ARCT sur les activités du commerce électronique au Burundi en 2016 disait que « les consommateurs, les entreprises ainsi que les administrations sont en permanente interaction via les TICs », d’autant plus que, ajoute l’étude, « les TICs peuvent avoir un effet bénéfique sur l’enseignement, la santé, la gouvernance et le commerce. Elles modifient radicalement les rapports et les liens sociaux et économiques en offrant aux particuliers, aux entreprises et aux gouvernements les moyens de bâtir des sociétés et des économies plus productives, plus ouvertes à tous et plus favorables au développement ».

Au cours du budget 2018-2019, le Burundi comptait 25 456 810 144 Fbu en provenance des taxes sur les télécommunications. Et à l’heure où par exemple l’électronique au Burundi bouge au rythme d’« un petit clic pour un individu cachant derrière un grand pas pour l’économie », pour reprendre les mots d’un confrère blogueur, les conséquences sont à évaluer aussi à l’échelle du macro.

…à une perte à la hauteur du potentiel

Il est peut-être encore tôt de tirer les conclusions sur l’impact que cette coupure a eu mais, des effets sont déjà là. Un agent Ecocash/Lumicash, qui commercialise aussi des unités de ces compagnies, rencontré à Nyakabiga confie : « Le 20 et le 21 mai, les clients ne venaient pas comme avant. Je pensais que c’était lié peut-être aux élections mais je réalise que ce shutdown n’y est pas étranger. J’ai de moins en moins de gens qui achètent des unités pour activer des bouquets internet type Megachat et autres.  Normalement, je fais le bilan à la fin de la semaine et je me dis que je pourrais accuser un manque à gagner assez important ».

Au niveau des compagnies de téléphonie mobile, même si les chiffres réels de l’impact ne sont pas encore là, un agent d’un centre d’appel témoigne que les journées du 20 et 21 mai, au rythme de 30-50 appels l’heure par personne pour un centre d’une quarantaine d’agents, ils ont été traités de tous les noms. De menteurs/ voleurs (pour ceux qui venaient d’activer des bouquets internet mais chez qui l’internet ne marchait pas) à complices avec ceux qui ont ordonné la coupure en passant par des spéculations les unes moins glorieuses que les autres… Bien au-delà de l’économie, l’image de ces compagnies n’en sort pas grandie.

L’Afrique, terre du blocage internet

Dans un pays où certaines entreprises de livraisons font  du e-commerce, et prennent des commandes via entre autres Facebook et WhatsApp, et/ou gagnent de l’argent à travers la publicité via ces canaux, on peut se demander quelles en sont les conséquences.

Toujours est-il qu’à titre d’exemple, les blocages de l’accès à Internet et aux réseaux sociaux  ont fait perdre 2,16 milliards $ à l’Afrique subsaharienne en 2019, sans parler de la grande inquiétude sur les économies nationales qui se situerait en terme de signaux envoyés indirectement aux investisseurs étrangers sur le climat des affaires.

En fin de compte et au-delà du concept « média sociaux », il nous faut voir telle quelle la valeur économique d’Internet et son impact sur l’économie et agir en conséquences. Quant aux libertés individuelles, on sait qu’il ne faut pas trop demander.

 

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