Alors que le code du travail au Burundi prévoit un congé maternel de douze semaines pouvant être prolongé à quatorze dont six qui doivent être prises après l’accouchement, certains patrons refusent d’offrir un emploi aux femmes enceintes arguant que « la nouvelle employée va s’absenter pendant une longue période ». Une certaine Benita (pseudo), de peur de subir ce châtiment, a caché sa grossesse lors de son interview. Elle témoigne.
Je suis assis dans ce petit bureau. J’attends. La chaleur bujumburienne m’empêche de respirer librement. Surtout que je porte ce pull pour cacher ma bedaine.
Ça fait quelques mois que je suis au chômage. Buja n’est pas doux quand on n’a pas une besogne qui vous nourrit. Je suis enceinte depuis quelques mois. Mais j’ai besoin de ce boulot. Il ne faut pas que mon futur boss le sache. Il ne faut pas !
Ce matin, en prenant mon petit-déjeuner, Charles (pseudo) mon beau mari, m’a dit : « Es-tu sûre qu’ils ne le verront rien ?» Je lui ai répondu : « Que faire d’autres ? Il faut vivre hein ! Ou survivre, je ne sais pas ». En plus, ça fait des mois que nos finances ne se portent pas bien. Je ne vais pas le laisser se tuer en travaillant seul.
On toque à la porte. C’est mon tour de passer l’interview. Il faut que j’ajuste mon pull. Ils ne vont pas le savoir. S’ils le sachent, je suis morte ! Dead !
Il parle beaucoup ce monsieur dans sa cinquantaine. Il pose aussi quelques questions…un peu bêtes. N’a-t-il pas vu mon CV ? N’a-t-il pas lu ma lettre de motivation ? Que veut-il savoir d’autre ? « Es-tu résistante à la pression ? » C’est quoi cette question même ? Ne sommes-nous pas constamment stressés dans ce pays ? Bref. Je réponds. « Combien de langues parlez-vous ? » Il m’irrite alors qu’il semble si gentil. « Quelles sont tes compétences ?» Bien sûr que j’ai des compétences. J’ai de l’expérience dans le milieu du travail.
Déception. J’ai vu dans son regard que je ne l’ai pas convaincu. Et pourtant, je me suis bien comportée lors de mon interview. Ou bien ? Oh non, pas ça, pas après tout ce que j’avais fait. J’ai essayé de cacher ma grossesse comme je pouvais. Bien que le petit bambin à l’intérieur de moi se prenne pour un Mike Tyson en faisant des uppercuts à n’en plus finir, j’ai gardé la tête haute. Du moins, je serrais les dents.
Dommage. Dommage pour ce travail que je n’aurais pas. Et pourtant, j’avais essayé de cacher ma grossesse à mon futur boss…
Note : le code du travail burundais, en cours, adopté le 15 septembre 2020, son article 109 précise que « la durée de congé de maternité est de douze semaines, pouvant être prolongée jusqu’à quatorze semaines, dont six qui doivent être prises après l’accouchement. Quand l’accouchement a lieu à la date présumée, le congé prénatal est prolongé jusqu’à la date effective de l’accouchement sans que la durée du congé à prendre obligatoirement après les couches puisse s’en trouver réduite ».