À travers son expérience de sage-femme, une dame nous partage les coulisses d’un métier exigeant, souvent bouleversant, mais infiniment précieux. Chaque naissance est une victoire, chaque émotion, une raison de continuer. A l’occasion de la journée internationale dédiée aux sage-femmes célébrée le 5 mai, elle nous a partagé sa passion pour son métier de cœur.
Après le secondaire, je savais que je voulais faire quelque chose de ma vie qui ait du sens. Servir les autres, être utile, me sentir fière de ce que je fais chaque jour. On m’a parlé de médecine, mais les longues années d’études me faisaient un peu peur. Alors je me suis tournée vers les sciences et techniques paramédicales, une voie plus courte mais tout aussi exigeante. Et c’est là, au fil des stages, des cours, des premières expériences, que j’ai découvert la maternité. La gynéco-obstétrique, un univers à part. J’y ai trouvé ma place, ou plutôt une sorte d’appel intérieur.
J’ai choisi d’en faire mon sujet de fin d’études, j’ai plongé dans les pathologies, les soins, les protocoles de l’obstétrique. Et surtout, j’ai découvert les histoires, les visages, les émotions. Dès mes trois premières années sur le terrain, j’ai travaillé exclusivement dans un service de maternité. J’ai vu des naissances, des pleurs, des cris, des silences aussi… J’ai compris très tôt que ce métier allait me changer.
Le jour le plus sombre de ma vie
Je ne pourrai jamais oublier ce dimanche matin, vers 10h. Je venais de terminer ma garde, prête à aller à la messe. Une ambulance est arrivée à toute vitesse à l’hôpital. C’était une jeune femme en travail, dans un état critique, qui venait d’être référer à notre hôpital pour une meilleure prise en charge, je me suis directement changé, puis on l’a conduite immédiatement au bloc pour une césarienne d’urgence. Tout le monde était prêt. Mais, hélas c’était trop tard. Elle est partie avant qu’on puisse faire quoi que ce soit pour elle ou pour son petit bébé. Ce jour-là, j’ai eu l’impression de perdre un peu de moi-même. Ce sont des choses qu’on n’oublie pas, on vit avec ça toute une vie.
Les moments de lumière
Quand une femme que j’accompagne depuis des heures serre enfin son bébé dans ses bras, quand je vois les larmes devenir des sourires, quand je réussis à apaiser une douleur, à rassurer une mère, à sauver une vie, ce sont ces moments qui me donnent la force de continuer, malgré les défis et les échecs auxquels nous faisons face.
Ce métier de sage-femme est souvent exigeant. Il épuise, il remue, il bouscule. Il nous pousse parfois jusqu’à nos limites. Entre les nuits blanches, le stress permanent, les décisions à prendre dans l’urgence et les moyens qui sont souvent insuffisants, on peut facilement se décourager. Et pourtant, on tient bon. On se relève. On continue, parce que ce que nous faisons à un sens profond. Parce que derrière chaque contraction, chaque cri, chaque larme… il y a une vie qui arrive. Et ça, c’est plus fort que tout.
Être sage-femme, ce n’est pas simplement aider à mettre au monde, c’est être là au bon moment, avec la bonne parole, le bon geste. C’est rassurer quand la peur prend le dessus. C’est guider, soutenir, protéger. C’est défendre les droits des femmes, leur intimité, leur dignité, leur pouvoir. C’est s’engager, corps et âme, dans chaque naissance, comme si c’était la première, comme si c’était la plus importante parce qu’elle l’est.
Je suis sage-femme, et ce métier, je ne le fais pas à moitié, il est inscrit en moi. Je donne beaucoup, c’est vrai mais ce que je reçois est bien plus en retour. Un regard, un souffle, un premier cri me nourrit au-delà des mots. Parce qu’au fond, accompagner la vie… c’est sans doute l’un des plus beaux privilèges qu’on puisse avoir.