Le mouvement en cours à travers le monde pour exiger la lumière sur le passé colonial ne semble pas épargner le Burundi, qui, via le Sénat vient de demander la réparation à l’Allemagne et en quelque sorte à la Belgique. Mais au-delà des pouvoirs publics, qu’en pensent les Burundais ? Dernièrement, un débat a réuni jeunes et moins jeunes pour tenter de répondre à la question.
La Belgique qui institue une Commission pour la vérité et la réconciliation, le Burundi qui semble aller dans le même sens avec la dernière retraite du Sénat à Gitega, tout cela n’émeut pas le docteur en Histoire Eric Ndayisaba qui doute de l’indépendance de ce genre d’initiative.
Et la demande des réparations ? Cet enseignant d’Université explique cela comme étant une transmission générationnelle des souffrances. Des générations actuelles n’ayant pas connu la colonisation mais qui se trouvent ou se disent affectées par ce passé. Pour lui, cette demande ne doit pas se faire avec colère, surtout que l’Afrique n’a pas besoin de pitié pour se relever. « Il faut donc le faire avec retenue, le faire dans la concertation avec la partie adverse. Ne pas chercher des bouc-émissaires et surtout le faire sans vengeance. »
De son côté, Patrick, juriste, apporte une autre perspective à la question. Pour lui, quand on parle de réparation, il faut déterminer le préjudice subi. Et de se demander de quel préjudice il s’agit pour le cas d’espèce. Selon lui, il faut d’abord procéder à l’évaluation de ces préjudices subis. Encore faut-il se poser la question de la finalité de cette réparation. Symbolique ? Matérielle ? Autant de questions auxquelles il faut apporter des réponses.
Mais pour Kerris Kezimana, étudiant en droit à l’université du Burundi, la question ne devrait même pas se poser tellement le Burundi, à l’instar d’autres pays, a beaucoup souffert de la colonisation, avec des préjudices moraux, physiques et matériels. La réparation, fut-elle symbolique, doit avoir lieu. Et l’on devrait d’ailleurs être en train d’évaluer ces dommages pour cette réparation.
Et pour David, étudiant, s’il faut parler de la réparation, il ne faut pas l’envisager en termes d’un prix fixé. Le mieux serait qu’elle soit symbolique. Une sorte de reconnaissance des dommages causés par la colonisation.
Exiger la réparation : opportun ?
À la question de Blaise, qui se demande si le Burundi ne devrait pas se joindre aux autres pays dans cet élan mondial de revendication, Jimmy Elvis Vyizigiro, historien, pense que si l’on est en droit d’exiger des réparations, il faut se demander si le moment est bien choisi dans un Burundi encore en proie à la mauvaise gestion de la chose publique.
Une idée un peu proche de celle de l’Ambassadeur Denis Banshimiyubusa pour qui la réparation ne viendrait pas régler les problèmes du Burundi. Le mieux donc pour lui serait de bien gérer les ressources présentement disponibles. La réparation ne pourra intervenir qu’après en avoir bien pensé, discuté entre les deux parties pour. Cela est aussi le point de vue de Patrick qui appelle à la revue de la gouvernance du pays surtout pour ce qui est de nos administrations fiscales.
Qui plus est, assène M. Vyizigiro, il faut se rappeler de la convention Orts-Milner à l’ origine de la perte du Bugufi, ce territoire anciennement burundais. En échange, le Burundi bénéficiait, du moins jusque dans les années 50, des franchises douanières dans les ports de Kigoma et Dar-es-Salaam. Puisqu’il est question des réparations, pourquoi ne pas le faire d’abord à l’endroit de la Tanzanie pour avoir au moins ces franchises douanières ?
Dans tous les cas, conclue Dr. Ndayisaba, il ne serait pas bon d’envisager la réparation en seuls termes matériels. Le mieux serait aussi de l’envisager symboliquement, une sorte de reconnaissance de ce passé douloureux et ainsi pouvoir aller de l’avant.
Cessons de pleurnicher mais regardons la vérité en face. Depuis notre indépendance en 1962, ce ne sont pas les colons qui sèment la mort et la désolation sur nos belles collines.