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« Come closer » : un voyage dans le temps dans une machine carburant à l’afropop

Les artistes burundais qui sortent des albums se comptent sur les doigts d’une main. Mais quelques-uns, en attendant d’aller chercher le Saint Graal des musiciens, s’essaient à l’exercice de l’EP. Mais, mais… rares sont ceux qui proposent des projets aussi aboutis que G Floks dans son solaire Come Closer. Découverte.

 

Dès la couverture de la pochette de son Extended Play (EP), G Floks, de son vrai nom Ghyslain Iradukunda, nous donne le tempo et quelques indices sur ce qu’il nous réserve dans son mini album. Une invitation à la nostalgie, à la redécouverte d’une musique au fond travaillé, une fusion entre diverses sonorités africaines, le tout sur des thématiques intemporelles.

Le jeune artiste de 25 ans nous ouvre les portes de son univers musical à travers le titre Oluwa, dont la boucle chantée reprend une expression qui, pour nous, la génération née avant les années 2000, nous renvoie trente ans en arrière, avec Wale Watu de Khadja Nin. Si certains d’entre vous se demandent à quoi pourrait ressembler ce son inoxydable revisité à la sauce afropop moderne, Oluwa vous donne la réponse. Mais loin de moi l’idée de parler de copie. Excusez-moi même d’avoir employé le mot « copie ». Avec Oluwa, G-Floks et le jeune et talentueux producteur Aguila qui co-signe le morceau n’ont usé d’aucun sample : le seul emprunt à Khadja Nin, c’est l’expression « Wale watu », et honnêtement, ça fait son effet. Par ailleurs, G Floks, contrairement à Khadja Nin, restreint son expérimentation au seul champ de la rythmique, et non des paroles. Ce qui fait qu’on comprend – et très bien même – ses paroles. Et pour cela, on le remercie.

Un excellent projet oui, mais parfois inégal

Mais la référence à Khadja Nin ne s’arrête pas à Oluwa. Est-ce un hasard que la deuxième chanson de l’EP s’intitule « Mama » ? Mama, comme la chanson phare du troisième album de Khadja Nin ? Aucune chance que ce soit un hasard. Mama, produit par G-Floks lui-même avec un mastering assuré encore par Aguila, est pour moi le meilleur morceau du projet. Intimement ancré dans des sonorités traditionnelles burundo-rwandaises, Mama ressemble à ce genre de morceau qu’on écoute une fois et dont on comprend qu’on l’écoutera encore dans dix ans. G Floks et Aguila visaient-ils l’intemporel comme Mama de Khadja Nin ? Peut-être. Mais sans aucune hésitation, ils ont réussi ce qu’ils ont tenté, et haut la main.

Bon, jusque-là, je vous donne peut-être l’impression de chanter les louanges d’un artiste au faîte de son art. Que non. Dans cet EP, tout n’est pas parfait. Et d’ailleurs, le morceau Ce soir le prouve et c’est par ailleurs le maillon faible du projet de mon point de vue. Même si je peux comprendre le choix d’aligner une chanson zouk-love/kampé, sans doute pour surfer sur la vague des succès de 4 Kampé et des récents hits rwandais pompés chez des artistes de l’Afrique de l’Ouest, je trouve que ce morceau n’aurait pas dû figurer dans un EP avec une telle identité affichée. Au regard du reste de l’EP, Ce soir est un morceau facile. Mais est-il pour autant mauvais ? Pas du tout. Ça se danse, ça s’écoute. Mais voilà. Il lui manque un petit quelque chose. Quoi exactement ? Peut-être un peu d’originalité.

De la créativité comme on l’aime

Heureusement, le morceau suivant vient relever le niveau. C’est ici qu’on prend conscience du travail de génie auquel s’est livré G-Floks et l’étendue de sa culture musicale. Comment réussir à sampler un classique de la musique burundaise, Wiyizire ma d’Africanova, sur de l’afrobeat, sans tomber dans la facilité de la copie pure et simple – comme on le voit trop souvent chez nos voisins du nord ? Coup de chapeau l’artiste!

Bon. J’ai fait un parallèle entre G Floks et Khadja Nin sur l’intention et sur les thèmes. Ai-je parlé de son affiliation évidente avec l’artiste nigérian Rema, dans le chant, la voix et parfois le style au vu des premiers singles de G-Floks ? Irais-je jusqu’à dire que nous tenons le Rema burundais ? Pourquoi pas ! Le morceau Crazy for You, qui clôt le projet, ne ferait pas pâle figure dans un album du chanteur nigérian. Et pour moi, au vu de toute la machinerie, des gros studios et des labels qui portent les projets de stars comme Rema, arriver à faire un morceau aussi bon, aussi abouti que ceux auxquels on est habitué du côté du Nigeria, c’est tout simplement une prouesse.

Verdict final ? Un solide 8,8/10.

Avec ce premier EP, G Floks ne ressort pas la carte de la nostalgie pour nous attirer dans son projet : Come Closer réinvente la nostalgie.

À écouter et réécouter sans modération ici.

 

Author

Ras

Critique irrévérencieux, ceux qui s’énervent pour un rien sont priés de passer leur chemin.

One Reply to “« Come closer » : un voyage dans le temps dans une machine carburant à l’afropop”

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