Si la plupart des followers de Yaga définissent la boite par Rolex, Abaniga 2 n’ibebi, Toke Toke, les threads, ou ces articles puisés dans le quotidien des Burundais, il y a toute une chaîne de petits génies qui veillent au grain. Des petites mains au four et au moulin qui ont fait que la boîte ait pu tenir pendant tout ce temps. Yaga souffle bientôt ses dix bougies, une occasion pour leur rendre hommage. Récit.
Anecdote. Une vieille connaissance est mandatée pour auditer Yaga. Il arrive dans la boîte, fait son travail, puis m’appelle avant de rentrer pour qu’on discute un peu. « Tu t’imagines qu’avant que je ne vienne chez vous, j’avais dans ma tête, que Yaga était juste une petite boite d’au plus 5 jeunes artistes, passionnés par les réseaux sociaux, travaillant juste chez eux, à partir des groupes WhatsApp ? Loin de s’imaginer que vous aviez un bureau, un staff, une structure bien organisée, et de surcroît que vous travaillez sur des projets dont vous gérez des fonds. », me lance-t-il.
Mon ami n’est pas le seul à avoir cette impression. Quid de nos familles ? Je n’ai pas encore fait un sondage parmi les membres du staff pour recueillir les appréhensions des membres de leurs familles. Mais je ne doute pas que dans leurs prières, ils invoquent que le bon Dieu qui donne du travail nous accorde un boulot sûr, là où on porte des uniformes, dans des organisations dignes de leur nom. « None burya bugenegene tubona kuri Facebook, ni bwo nyene mukora? Ukava muhira ngo ugiye ku kazi? None ho muraronka amahera ? Murafise imishahara ? Ayo mahera mwoba muhembwa, yoba ava he ? » (Ces petits trucs sur Facebook, c’est cela votre travail ? Et vous dites que vous allez au travail ? Vous êtes payés au moins ? D’où proviennent vos salaires ?), tels sont les multiples questionnements auxquels on est souvent exposé.
Des têtes et des ambitions
Certes, ce qui se voit sur les plateformes de Yaga a un lien avec les Yagistes. Des jeunes ambitieux, des « rêveurs » qui veulent créer des folies, des penseurs libres, des artistes qui s’expriment à travers leurs créations. Mais au-delà de ces aspects souvent jugés à tort de pass time, les productions visionnées ou lues sur les plateformes en ligne sont les fruits d’un travail acharné, des nuits blanches, des journées de fatigues intenses, des réunions z’agasakisaki comme on dit.
A Yaga, ce n’est pas que des gens cool avec des dreadlocks, des rastas, ou des artistes qui y bossent seulement. Bien d’autres jeunes (et quelques moins jeunes), ceux qu’on qualifierait de moins branchés ou pas du tout woke y ont leur place. Ceux-ci apportent un autre condiment à la sauce pour que l’essence même du nom de la boite, Kuyaga trouve du sens, dans la diversité des opinions et des sensibilités qui peuvent être contradictoires certes, mais tout ça crée une certaine harmonie. Il se peut qu’un débat sur la géopolitique, l’ampleur de la guerre dans notre région, les dynamiques politiques au Burundi ne parlent pas directement à un acteur de Rolex. Mais ce dernier y trouve sa place, à la Yaga.
Je vous épargne des débats autour des ethnies qui sont parfois tabous dans d’autres organisations. A Yaga, ils emmerdent certains, mais d’autres en parlent ouvertement et librement. Ils n’ont pas peur de se taquiner entre ethnies et cela sans rancune.
Et puis ceux que vous ne verrez jamais sur vos écrans
Dans cette diversité de penser, d’agir et de concevoir la vie, se niche une certaine complémentarité indispensable à la boîte. Il y a des Yaguistes, qui probablement ne seront jamais vus sur les réseaux sociaux, n’apparaîtront jamais sur les plateformes de Yaga, mais qui sont des têtes à penser, des concepteurs, des rigoureux gestionnaires de projets, ou encore des experts des finances qui ne jurent que par les chiffres, les chèques et les opérations financières. Un monde tellement loin de celui des créateurs de contenus et des artistes.
A l’approche des dix ans de Yaga, je suis convaincu que c’est la diversité, le débat contradictoire mais constructif, l’ouverture d’esprit, le sens du devoir qui ont fait la force de Yaga. Si d’autres jeunes pouvaient s’en inspirer quand ils se lancent dans leurs projets, le Burundi s’en porterait mieux. J’en suis convaincu.