Le réseau social X (anciennement Twitter) est-il en passe de devenir un haut lieu du débat citoyen au Burundi ? Au moment d’écrire ces lignes, les trois « spaces » organisés le 14 juillet dernier, dont deux en simultané, cumulent un total de plus de 70 000 auditeurs. Voici quelques réactions croisées.
Comme l’agora (place publique, lieu de débat et d’échanges sur la vie de la cité) dans la grecque antique, X s’érige depuis quelques mois en un espace alternatif de débat sur plusieurs sujets d’actualité au Burundi : politique, lutte contre les violences basés sur le genre ou les bisbilles dans l’industrie musicale burundaise, tout y passe.
Ce dimanche, 14 juillet, a été particulièrement animé. Trois « spaces » ont été organisés au cours de la même soirée : « Burundi, disparitions forcées, Ryogora duhure, Éden des pénuries » organisé par le compte @ReynoldsButare, « Burundi : Mbega amashirahamwe yigenga (Société Civile) arigenga koko ? » organisé par le compte @willynyamitwe (appartenant officiellement à l’ambassadeur Willy Nyamitwe), « Afterparty inyuma ya space na Pacifique Nininahazwe » organisé par le compte @ikigatanyakazi. A eux trois, ces « spaces » totalisent 811 minutes d’écoute, c’est-à-dire plus de 13 heures.
Parole aux « exilés politiques »
Pacifique Nininahazwe, défenseur des droits de l’Homme en exil, était l’invité du premier «space». Il est d’abord revenu sur la genèse du Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE) dont il est à la tête ainsi que l’une de ses thématiques majeures : la dénonciation des disparitions forcées.
Sur le fait de s’exprimer sur les questions liées à la vie socio-économique du pays alors qu’elles ne font pas partie de la mission initiale du FOCODE, Pacifique Nininahazwe répond que personne ne peut interdire aux gens de s’exprimer sur des questions d’intérêt public.
Au-delà de la campagne « Ndondeza », un autre intervenant derrière le compte Munezero Blaise a demandé à Pacifique Nininahazwe de lancer d’autres campagnes qui contribuent au développement du pays. Avant de lancer: « Vous ne vous exprimez que sur ce qui ne va pas bien au Burundi ».
Parmi ses nombreuses interventions, Pacifique Nininahazwe est revenu sur l’importance du dialogue entre Burundais sur la gouvernance du pays : « Umuti w’Abarundi uzoca mu kuvugana » (C’est dans le dialogue que se trouve les solutions aux problèmes des Burundais, ndlr).
Pendant que le « space » organisé par le compte @ReynoldsButare avait lieu, un autre se déroulait sur le compte @willynyamitwe. Pour Ngendakumana Jean Patrick,« le problème n’est pas qui (et pourquoi) on organise un space. Les Burundais doivent plutôt se mettre ensemble pour échanger ».
L’indépendance des associations de la société civile en question
« Du choc des idées jaillit la lumière », a mentionné Ambassadeur Willy Nyamitwe dans son « space ». Le verdict du compte Nkurunziza Hermès est sans appel : « Les associations de la société civile ne sont pas libres ». Pour lui: « Certaines de ces organisations travaillent à la solde de leurs bailleurs ». Et de demander: « Est-ce que l’État n’a pas le droit de faire le suivi de l’action de la société civile ? Si un individu qui est rongé par l’ethnisme fonde une ONG, pensez-vous que sa nature va changer un jour ? ».
Selon l’ancien porte-parole de feu président Pierre Nkurunziza, « l’État a l’obligation de faire le suivi des associations de la société civile ; pour les organisations locales à travers le ministère de l’Intérieur et pour les organisations internationales, à travers le ministère des Affaires étrangères ». Pour ce qui est des membres de la société civile qui ne restent pas fidèles à leur mission, l’ambassadeur Willy Nyamitwe répond : « Certains membres de la société civile choisissent cette voie parce qu’ils ont des ambitions politiques et manquent d’espace pour les exprimer. Cela a été aussi mon cas d’ailleurs avant que j’entame une carrière politique ».
Après ces deux « spaces », le compte @ikigatanyakazi en a organisé un autre qui a duré plus de cinq heures.
Nininahazwe Vs Nyamitwe : un match dans le match
Il y a d’abord ceux qui ont voulu comparer le nombre de participants dans les spaces organisés par les comptes @ReynoldsButare et @willynyamitwe.
#Burundi: Spaces zabaye spaces🥸
Jewe ndiko nkurikirana iya @ReynoldsButari yatumiyemwo @pnininahazwe karibu nawehttps://t.co/BUwtLOLQRa pic.twitter.com/bd3uvmlMcj— Jérôme Kazabukeye (@Kazabukeye) July 14, 2024
Team @ReynoldsButari 850. Vs. Team @willynyamitwe 190.
Turindire remontada?#Abatwip pic.twitter.com/e96CcccaPD
— Umwuzukuru wa Senkaya 👽 (@megamindology) July 14, 2024
Ndakunda screenshots cane.
Mbe mwabonye Cohost wa space 2? @NtahirajaThren1.
Le space des ambassadeurs 🤣🤣🤣 pic.twitter.com/O6N3laxjWf
— Joséphine Jones Nkunzimana (@JosJonesNkunz) July 14, 2024
Ceux qui n’ont pas adhéré aux interventions des participants.
10 minutes d’écoute ont suffit pour quitter le Space @pnininahazwe .
L’intervention de cette @mboso33123 est très révélatrice : ngo kera Uburundi bwari Eden !
C’est sûr qu’avec le génocide des Hutus, c’était le paradis des génocidaires et leurs familles ..— Jean-Claude Nurwubusa (@NRJC95) July 14, 2024
Et ceux pour qui le dialogue entre Burundais n’a pas évolué. Pour ce compte, « amafuti aracari ya yandi ».
It’s very unfortunate that, 10 years later, we’re still playing the same games. Un peuple qui n’évolue pas <<<<< n’amafuti aracari yayandi nyene 👎🏾👎🏾👎🏾👎🏾 https://t.co/HMV3EVSw6v
— Invité de nert (@nsabiyumva_) July 15, 2024
Si l’histoire ne dit pas qui a perdu dans cette guerre des « spaces », il y a bel et bien eu un vainqueur: le débat contradictoire.