Au moment où nous célébrons la journée internationale de la liberté de presse, Tim, un journaliste qui n’a pas encore perçu son salaire, raconte sa vie de misérable. Ce jeune homme a du mal à joindre les deux bouts du mois. Voici, ses acrobaties pour survivre.
« Nous ne sommes plus libres. Le journaliste ne peut pas exercer le métier librement, en toute conscience avec un maigre salaire. », lâche Tim*, journaliste angoissé et tenaillé par la précarité. Ce journaliste dans la trentaine, avec 4 ans d’expérience perçoit un salaire de moins 300 000 Fbu. Avec la cherté de la vie à Bujumbura, déplore-t-il, cette modique somme ne peut couvrir ses besoins essentiels.
Du lundi au vendredi, le jeune homme travaille d’arrache-pied. Il enchaîne les reportages avec ses collègues. Peu importe le temps que cela lui prend, il doit les traiter et respecter les deadlines, même si cela implique de finir tard le soir. Les jours s’écoulent et se ressemblent, avec une quantité insoutenable de travail.
Pensif, Tim n’a pas de mots pour décrire sa situation financière : « C’est vraiment un salaire restreignant. J’ai extrêmement du mal à boucler mes fins de mois »
Son salaire, dit-il, lui permet à peine de manger et de se payer un loyer. « Je suis célibataire. Je vis en colocation. Je paie un loyer de 100 mille Fbu par mois, l’alimentation me coûte 225 mille Fbu par mois, le transport 50 mille Fbu par mois, la connexion internet de 10 mille par mois. Sans parler d’autres dépenses imprévisibles. Au total, plus plus de 400 mille par mois », explique-t-il. Un autre problème. Cette rémunération arrive sur son compte le 45 du mois suivant.
Le salaire rembourse le découvert
Pour réduire les consommations, ce journaliste fait savoir qu’il sacrifie le petit-déjeuner. Il a pris l’habitude de manger deux fois par jour à cause de la précarité. « Le petit-déjeuner est parmi les luxes que je ne peux pas m’offrir. »
Pour le moment, Tim vit au jour le jour. Il se serre la ceinture pour pouvoir joindre les deux bouts du mois. Mais, c’est un pari difficile. « Souvent, je demande un découvert à la banque pour me dépanner. » C’est un cercle vicieux où le salaire sert à rembourser le découvert.
Des petits jobs pour survivre
Pour mettre un peu de beurre dans les épinards, ce jeune homme est obligé de chercher d’autres petits boulots à temps partiel : « Ces petits jobs me rapportent entre 100 et 200 mille BIF par mois », précise Tim. Malheureusement, ces boulots ne sont pas réguliers. Il peut passer un mois sans qu’il n’obtienne rien. Faire des économies ou se projeter avec le salaire reste un rêve irréalisable.
Lorsque Tim a embrassé le journalisme, il avait l’illusion d’intégrer un emploi qui lui donnerait un salaire décent pour survivre. Néanmoins, cette illusion s’est vite évanouie. Ce jeune homme se dit malgré tout passionné par ce métier qui touche à tous les aspects de la vie. « Malheureusement, je constate que c’est le sacerdoce. », avoue-t-il.
Au fil du temps, Tim* s’est rendu compte qu’avec ce modique salaire, même s’il est passionné par ce qu’il fait, un jour, il finira par jeter l’éponge, car dit-il, « il faut quand même vivre.»
La manipulation et l’achat de conscience s’invitent
Moi, peut-être, explique Tim, j’ai eu de la chance, je n’ai pas encore fondé de famille. Pourtant, il n’ose pas imaginer le calvaire qu’endurent ses collègues mariés qui perçoivent le salaire qui est le sien et prennent en charge des familles. « Comment parviennent-ils à nourrir, scolariser et faire soigner leurs familles avec ce salaire ? » s’inquiète-t-il.
Selon lui, la liberté de la presse et la précarité des journalistes ne vont pas de pair. Un journaliste tenaillé par la précarité est exposé à la manipulation et à l’achat de conscience. « Par exemple, enchaîne Tim*, il peut contacter une source pour recueillir des informations. La personne peut lui filer dans les doigts une somme de 20 mille Fbu afin de livrer l’information selon la manière qui lui convient…Au Burundi, peu de journalistes ont la force de refuser cet achat de conscience. »
Le professionnalisme quitte les rédactions
D’ailleurs à cause de ce maigre salaire, certains journalistes ont inventé un journalisme à la burundaise. Il s’agit de couvrir les ateliers, les conférences et les forums afin de percevoir les per diem et y manger pendant la journée. C’est cela leur gagne-pain.
D’après lui, au Burundi, le journalisme est devenu un emploi clochardisé. Beaucoup de personnes ont compris qu’ils peuvent acheter des journalistes facilement : « Nous sommes exploités. Nous percevons des miettes alors que nos patrons engrangent de centaines de millions qu’ils reçoivent des différents partenaires et bailleurs ».