Face au persistant tarissement de devises, les autorités burundaises intensifient des mesures visant la libéralisation du marché des changes. La dernière en date est celle autorisant la réouverture des comptes en devises dans les banques commerciales par les organisations recevant des appuis extérieurs, après 7 ans d’interdiction. La situation va-t-elle se débloquer ?
Le Burundi connait une pénurie de devises qui ne dit pas son nom. A en croire Marie Chantale Nijimbere, ministre en charge du commerce, le tarissement des devises est à l’origine de la persistante pénurie du carburant qui frappe le Burundi ces derniers temps.
Si le pays traverse une crise de manque de devises, certaines mesures prises dans le passé pour contrôler ces devises ont aggravé la situation. Pour contourner la situation, la Banque de la République du Burundi revient sur ses décisions et intensifie, depuis quelque temps, les décisions pour libéraliser le marché des changes.
Des mesures de libéralisation
La récente est celle autorisant la réouverture des comptes en devises dans les banques commerciales par les organisations recevant des appuis extérieurs. Après presque 7 ans, les banques commerciales sont de nouveau autorisées à domicilier, à partir de ce 02 janvier 2024, dans leurs livres, les comptes en devises pour les organisations non gouvernementales locales et étrangères, les missions diplomatiques et consulaires, les organismes internationaux recevant des appuis financiers extérieurs.
La mesure interdisant ces organisations à domicilier leurs comptes en devises dans les banques commerciales avait été prise en 2016, dans le but de contrôler les devises. Dès lors, un guichet unique leur dédié avait été ouvert au niveau de la BRB. Une pénurie de devises se faisait sentir à cette époque due aux sanctions imposées par l’Union européenne suite à la crise politique qui secouait le Burundi depuis 2015.
L’actuelle décision de la BRB rentre dans la foulée des mesures de la Banque Centrale visant la libéralisation du marché de change initiée depuis plus d’un an. Début octobre 2022, la Banque Centrale a levé la mesure prise en mars 2020 restreignant le règlement des transferts instantanés reçus de l’étranger. Les transferts instantanés internationaux devaient être réglés directement en monnaie locale. Les bénéficiaires de ces fonds, y compris ceux qui possédaient des comptes en devises dans les banques commerciales, ne pouvaient plus les percevoir en devises.
Elle a également permis la réouverture des bureaux de changes. Cela au moment où seuls ceux ouverts dans les banques commerciales étaient autorisés à assurer le change depuis février 2020.
En réalité, certaines personnes ont tenté de contourner ces mesures qui avaient été prises pour avoir la main mise sur les devises. Certains individus allaient retirer les devises dans les pays voisins. Les changeurs de la monnaie, quant à eux, continuaient à opérer clandestinement du marché noir. La BRB a aussi mis en place un Marché Interbancaire de Change (MID) en avril 2023.
Encore du pain sur la planche
Certes, les mesures prises par la Banque Centrale sont à saluer dans le cadre de la libéralisation du marché des changes. Néanmoins, beaucoup restent à faire étant donné que le pays est à cours des devises. Les devises en provenance des projets exécutés par les organisations recevant des appuis extérieurs ne suffisent pas pour assurer le fonctionnement de l’économie d’un pays.
Les exportations qui sont la principale source des devises vont decrescendo. Le ministre des Finances donne un bilan au rouge. En 2022, les exportations représentaient seulement 208 millions d’USD contre 1,260 milliards d’USD des importations, soit un déficit de plus d’1 milliard d’USD de la balance commerciale.
Encore plus, l’aide directe des principaux bailleurs de fonds se fait toujours attendre et ce, malgré la levée des sanctions contre le Burundi par l’Union européenne et les USA, il y a presque deux ans. Cela est ainsi au moment où l’Union européenne a contribué directement à 40 % dans le budget du pays entre 2004 et 2015.
Les cadres de dialogues continuent entre le Burundi et l’UE. Cette dernière reste exigeante sur certains points liés notamment à la gouvernance financière. Les défis de la gouvernance budgétaire notamment la corruption, le détournement des fonds obligent les principaux bailleurs à patienter dans le décaissement de leurs fonds. Les faibles taux de décaissement des projets financés par organismes internationaux sont des cas illustratifs. En mars 2023, le taux de décaissement des projets financés par la Banque Mondiale était estimé à 21 % pour 1,3 milliard d’USD destinés au gouvernement du Burundi sur la période 2019-2023.
Le gouvernement doit mettre en place des stratégies visant à ramener les devises dans le pays entre autres l’augmentation de la production des produits d’exportation notamment le café, le thé, les minerais, etc.
Le Burundi peut aussi miser sur le tourisme étant donné qu’il regorge de nombreuses opportunités touristiques. Le développement de ce secteur peut contribuer dans l’augmentation des réserves de changes.
Mais avant tout, l’amélioration du climat des affaires est primordiale. Soutenir le secteur privé qui est la clé du développement d’un pays.