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Surmonter un viol : une éternelle reconstruction

Il n’est pas facile de guérir d’un viol. C’est une cicatrice intérieure avec laquelle on doit vivre longtemps, très longtemps. C’est ce combat quotidien que mènent nos deux victimes.

Suite au viol, certaines victimes développent une phobie des hommes et la peur d’avoir à nouveau des relations sexuelles. Loin des radars de la ville, nous sommes allés à la rencontre de deux adolescentes. Dans ces petites communes de l’intérieur du pays, où tout le monde connait tout le monde, Rachel Kaneza* habite la commune Itaba en province Muramvya et Sandrine Irakoze* à Ruramba dans la province Mwaro.

« Je n’oublierai jamais… »

Kaneza se rappelle de cette nuit de septembre 2019. À seulement 17 ans, un garçon a changé le cours de sa vie. Elle raconte : « Il m’a vue à la sortie de la messe, un dimanche. Il a demandé à me parler, ce que j’ai poliment accepté. Il me faisait la cour. Il a demandé à me voir le lendemain dans un bar. « Heureusement il est venu avec deux de ses amis », me disais-je pour me rassurer. C’est ce rendez-vous qui m’a coûté ma dignité [soupir]. Pendant le rencard, il m’a donné une boisson forte (« Karibu ») ce qui m’a affaibli. Plus tard dans la soirée, il m’a convaincue de me lever. Ils m’ont amené dans un buisson. Un de ses amis a pris mes pieds, l’autre mes bras, et il est monté sur moi. [Larmes]. Je me suis sentie sale, trahie et bête.»

Sandrine vit dans la petite localité de Kibumbu. C’est une sorte d’annexe géographique de l’agglomération de Mwaro. Cela se passe en novembre 2017 alors qu’elle étudie en 8è. Son agresseur est un homme de 30 ans qui tenait un commerce près de son établissement. « Il m’a appelé et j’ai refusé. Pour que je puisse accepter d’entrer dans sa maison, il m’a proposé de naviguer sur internet avec son téléphone. Il est rare d’avoir ce genre d’opportunité, j’ai donc innocemment accepté. Tout de suite après, il m’a demandé de coucher avec lui, j’ai refusé. Il était plus fort que moi. J’ai crié et pleuré sans espoir. Quelle honte ! C’était tout près de mon collège. »

Toutes les deux ont été prises en charge par les centres de CAFOB (Collectif des Associations et ONGs Féminines du Burundi) basés dans leurs provinces respectives.

Un dégoût pour la vie

C’est le sentiment commun chez la plupart des victimes. On ne revient pas sur le nombre de cas relevés et ce silence destructeur qui pèse sur la famille. Après un temps, certaines développent une phobie des hommes qui est accompagné de la peur du mariage et bien entendu d’avoir des rapports sexuels. « Je ne pense pas au mariage. Par ailleurs, il est difficile de trouver un homme qui t’accepte alors que tu n’es plus vierge. Ici chez nous, les gens sont beaucoup trop attachés à la tradition », confie Rachel, aujourd’hui âgée de 18 ans.

Malheureusement, l’éducation des enfants étant souvent confiée à la maman, certains maris vont jusqu’à tenir pour responsable leurs compagnes : « Wareze nabi  none araba aratumaramaje » (Tu as mal éduqué, regarde comment elle nous déshonore, NDLR).

Une psychologue travaillant à ce centre explique qu’après un viol, toutes les victimes ont un trouble du comportement. C’est-à-dire un dysfonctionnement physique, comportemental, émotionnel, cognitif et surtout de la personnalité. « Notre rôle à ce moment-là et de les accompagner par l’écoute avant tout. Nous essayons de stabiliser ces émotions. La victime doit d’abord accepter la situation. Nous lui assurons qu’elle n’est pas seule. » 

C’est seulement après cet accompagnement psycho-social qu’une victime peut accepter un accompagnement juridique. Ce n’est pas toujours évident mais il faut du courage pour poursuivre son agresseur en justice. C’est accepter le fait que tes voisins te pointent du doigt. Des associations comme celle des Femmes Juristes du Burundi se chargent de leurs dossiers.

Le viol, peu importe l’âge auquel ça arrive, ça marque éternellement et ça force une reconstruction. Elle est sans doute longue, mais elle est surtout possible. La plupart des personnes ne se rendent pas compte du mal qu’ils font, ainsi ces agressions sexuelles sont dédramatisées. Mais, penses-y, et si c’était ton épouse, ta mère ou ta sœur, et si c’était toi… ?

 

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