A l’occasion du triennal de Ndayishimiye à la tête du Burundi, il n’est pas aisé d’établir son bilan, au risque de s’attirer des foudres. Réconforté par la fin de la longue interview du président sur le rôle critique des médias, osons le coup tout de même, ne fut-ce que sur certains aspects.
« Je n’en reviens pas, la facilité avec laquelle les gens accèdent aux services de change offerts par les Forex Bureau d’ici ». Cette exclamation est celle d’un collègue après avoir échangé quelques dollars, le temps d’une mission de travail dans la capitale d’un pays voisin.
La remarque a le mérite de rappeler le cafouillage qu’il y a à Bujumbura pour avoir les devises. Il paraît d’ailleurs que ce n’est plus permis au citoyen lambda de se trimballer avec, sans motifs valables. La primature vient de se montrer ferme sur la question et ce sur un ton des plus sévères.
À l’occasion de l’anniversaire des trois ans du numéro un burundais, ce ne serait pas exagéré de dire que cette question reste un casse-tête et elle est symptomatique de la santé financière du Burundi. Sur ce point, l’observateur objectif reconnaîtra que du chemin reste à faire pour qui veut voir un Burundi émergent d’ici 2040 et développé en 2060.
Et ceci n’est qu’une donne sur plusieurs. Car, sur les trois ans qui viennent de s’écouler, le pays aura été frappé par une inflation galopante qui n’a pas été sans conséquences sur les conditions de vie de la population et la monnaie burundaise. De quoi affecter le pouvoir d’achat.
Et le carburant, on en parle encore ? Que dire de nouveau qui n’a pas encore été dit ? Le problème est si sérieux que même le locataire de la Ntare House hésite sur la stratégie à adopter comme « solution finale ». Il ne serait donc pas exagéré de dire que le problème aura marqué, négativement, la première moitié du septennat de Neva. Et des vies sont impactées par cette situation qui semble s’éterniser.
Mais plus encore, cette demi-mandature a été très marquée par la dénonciation des cas de malversations économiques. Un combat sur lequel le natif de Giheta s’est engagé et qui fait beaucoup parler. S’ils sont nombreux à saluer son action, une certaine opinion regrette toutefois que le verbe prime encore sur l’action alors même qu’il dispose de tous les pouvoirs pour manier le bâton là où la carotte échoue. L’action en justice contre l’ancien premier ministre Alain Guillaume, de même que le retrait illico presto des billets de 10000 et de 5000 fbu signent-ils la fin d’une ère ? That’s big question.
Et le politique ?
Assez parler d’économie. D’ailleurs, comme certains d’entre vous (oui, je ne suis pas seul), je n’y vois que du feu. Aspirant politologue que je suis, c’est sur le terrain de la gouvernance politique que j’essaie de suivre l’action gouvernementale ou devrais-je dire de Ndayishimye. Dès le début de son septennat en 2020, une nouvelle ère semblait se profiler à l’horizon. Les violences politiques ont un temps cessé. Nous avons même assisté à un semblant de cohabitation pacifique des partis politiques, malgré le monopartisme de fait, admettons-le, d’autres partis autres que le parti de l’aigle étant invisible sur terrain.
Nous avons un peu oublié les chicaneries politiques, malgré de récurrentes disparitions forcées. Ça aurait sûrement été un mauvais signal à l’endroit de ceux qui nous observent, cette communauté internationale avec laquelle le pays tenait tant à renouer après le divorce des suites de l’ouragan 2015. Inutile de rappeler ici que le pays était à l’époque devenu un paria sur la scène internationale. Cette image, c’est un Ndayishimye qui a fait vite de montrer qu’elle ne convenait pas à sa cathédrale.
Seulement voilà, de l’œil de tout observateur avisé, les derniers développements dans le paysage politique burundais, allusion faite ici aux conflits au sein du CNL et à l’action du ministère de tutelle sur la problématique, constituent un signe éloquent des moments électoraux contentieux. Cela comme pour nous rappeler que chasser le naturel il revient au galop. Mais avons-nous vraiment besoin de répéter l’histoire ?
La diplomatie ou la success story de Neva
Mi-figue, mi-raisin donc le bilan de ces trois années sur le plan économique et politique. Le carburant, le dollar, rétrécissement de l’espace politique sont là pour rappeler que rien n’a été facile et qu’il y a encore du pain sur la planche pour que « chaque poche ait de l’argent et chaque bouche à manger ».
Mais sur l’aspect diplomatique, les trois années auront été marquées par le retour du Burundi sur la scène internationale. La réconciliation avec l’Union européenne marquera un pas de géant dans cette direction. Les trois années signeront aussi les voyages de l’homme fort de Gitega à l’extérieur du pays. Et nous ne pouvons que nous en réjouir lorsqu’on se rappelle que son prédécesseur, en relations exécrables avec les partenaires, n’a franchi que très rarement les frontières nationales.
Les trois années, c’est aussi l’accueil par le Burundi d’un certain nombre de sommets. Une affirmation d’un Burundi qui recouvre sa place dans le concert des nations. Un pas dans la bonne direction qui devra être accompagné par les performances socio-économiques et politiques au niveau interne. Ce n’est qu’à ce prix que le pays se fera respecté et affirmera son come back.