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« Iz’abihevye », ou les taxi-moto kamikaze de Gitega

Les motos de transport rémuneré (taxi-moto) n’ont plus le droit de circuler au-delà de 18h dans la ville de Gitega depuis quelques mois.  Cette mesure ne facilite pas la tâche aux habitants de la capitale politique vu qu’il n’y a pas de bus et que les tuk tuk sont plutôt rares et chers. Cette blogueuse rapporte les mésaventures d’une habitante dépitée par cette limitation de l’activité des taxi-moto.

18h50 déjà? Je sursaute, un peu paniquée. Je n’ai pas vu le temps passer. Je me lève promptement. Cela faisait un bail qu’on ne s’était pas vu. Plongée dans la discussion avec mon amie, je n’ai pas fait attention à ma montre.  J’habite à Musinzira et mon amie à Rango. On avait décidé de se voir  dès l’instant où j’ai su qu’elle était revenue à Gitega. Mais 18 h est déjà passée. C’est la galère. Je me demande comment je vais bien pouvoir  rentrer chez moi. Après 18h, place aux motos-kamikaze (iz’abihevye), du moins celle qui n’ont pas peur de travailler après l’heure fatidique. Mais, c’est connu, les kamikaze du deux roues sont difficiles à dénicher et, plus préoccupant encore, ils sont chers!

Un kilomère à pieds use les souliers !

Sur ces entrefaites, je dis poliment au revoir aux amis qui s’étaient joint à nous. Ceux-ci sont plutôt  inquiets mais je les rassure: “J’ai les contacts des motards, je vais les appeler ». Chose que je fais dès que je franchis la porte. “Hewe hiyo hari aba polisi sinoza kweri” (Il y a des policiers je peux pas venir, ndlr), me dit le premier. “Namaze gutaha sinoza” (Je suis déjà rentré je ne peux pas revenir, ndlr), me répond le second. 

Mon amie et son frère me proposent de m’accompagner jusqu’à la route principale vu qu’on est à l’intérieur du quartier.  J’accepte. Je n’ai pas d’autres choix.

19h30!  Ça fait un moment que l’on attend un moto-kamikaze en vain. Je commence à désespérer. L’inquiétude m’etreint sérieusement, mais je me montre sereine pour mes amis. Et voilà que ma mère m’appelle pour me demander où je suis. « Une fille ne devrait pas être dehors à une heure pareille », tonne-t-elle au téléphone. Je suis obligée de mentir: « Je monte sur une moto, j’arrive maman. Désolée ».  Pas de moto en vue, les tuk tuk non plus.  Les bus eux n’existent pas à Gitega.  Comment rentrer? On décide de marcher, peut-être qu’on va attraper une moto en cours de chemin. En réalité, plus on marche plus je désespère de trouver une moto.

‘’Mon cœur bat à 100 à l’heure à cause de la peur”

Nyabiharage, 22ème Bataillon, la marche est longue.  Arrivée au niveau de la Fenacobu, je demande à mon amie et son frère de retourner chez eux, “je me sens en sécurité”, affirme-je, histoire de les tranquilliser, même si mon cœur bat à 100 à l’heure à cause de la peur. Ils me disent au-revoir avec regret et moi je serre mon petit sac contre ma poitrine. Il ne faut pas me faire dépouiller.  Je force le pas.  500 m plus loin, je vois  quelqu’un  de pas très net. Ouf ! Ce n’est qu’un passant.

Arrivée à la hauteur de ‘’Bomani’’, j’apercçois une moto venant du côté de l’hôpital.  J’ai l’impression qu’elle n’est pas prise. Je hurle pour lui signifier de s’arrêter. Elle passe sans s’arrêter. Un cri de colère m’échappe.  Coup de chance, après un instant je la voix revenir. Pas de salutations. « Tu vas où? », me demande-t-il.  « Stade »« 2000Fbu, tugende » (2000 Fbu, on y va). Sans discuter  je monte, soulagée. 

‘’Iyo utaba umukobwa sinari kugaruka”

En cours de chemin je me hasarde à lui demander pourquoi il est revenu alors qu’il venait de me dépasser sans s’arrêter. Sa réponse me surprend. “Narinzi ni umupolisi  kuko barashobora kwigira nkaba kiriya. Iyo utaba uri  umukobwa  sinari kugaruka” (Je croyais que tu es un agent de police. Ils se déguisent souvent en clients. Je n’allais pas revenir si tu n’étais pas une fille, ndlr). Pour une fois le fait d’être une fille me tire d’une mauvaise posture. 

Enfin, après quelques zig-zags pour échapper aux agents de police et une facture plutôt salée,  me voici enfin à la maison. Je remercie beaucoup mon “sauveur” et je prends  son numéro de telephone, on ne sait jamais,  peut-être me servira-t-il encore. Mais une question taraude encore mon esprit que j’entre dans ma chambre: pourquoi l’administration a-t-elle senti le besoin d’empêcher les taxi-moto de travailler pendant la nuit sans proposer une solution de rechange? 

 

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