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Santé mentale au Burundi : le coût de l’indifférence

Récemment, lors d’une conversation enflammée avec certains de mes amis, une question est survenue: pourquoi ne prenons-nous pas au sérieux notre bien-être mental ? Si le problème est d’abord individuel, il a aussi des répercussions profondes sur l’ensemble de la société. Voici comment.

Si l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » échappe encore aux Burundais, cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de bien-être mental. Dans notre société, la notion de prévention en matière de santé mentale est complètement absente. Nous attendons la manifestation de troubles psychologiques pour réagir. Bien souvent, le mal a déjà atteint un stade avancé.

Selon Pr Théodora Nisabwe, « la détérioration de la santé mentale suit souvent une trajectoire prévisible, allant de l’anxiété et de la dépression à d’autres troubles psychologiques. Si la personne ne reçoit pas un soutien émotionnel dès les premiers signes de mal-être, il est fort probable qu’elle soit engloutie par ses problèmes et qu’elle développe des troubles encore plus graves. Tout cela est dû à l’incompréhension, au rejet ou à l’indifférence de son entourage. »

La réflexion de cette universitaire m’a fait réfléchir à ma propre lâcheté. Non seulement j’ignore les signes de détresse, je ne sais même pas l’aide à apporter à une personne dans le besoin.

Là où le bât blesse

La vérité est que la santé mentale est négligée, voire étouffée, au sein de nos communautés et de nos familles. Pourtant, lorsque la santé mentale se détériore, les proches en sont les premiers témoins. Ils sont les premiers à observer, impuissants, l’autodestruction de l’être cher. Qu’il s’agisse de dépression, d’anxiété, d’addiction, et dans certains cas graves, de suicide, la famille ne peut rester indemne. Le fardeau financier des soins, la stigmatisation de la communauté, ou encore le décès du malade sont autant de conséquences qui frappent la famille de plein fouet.

Quid de la société burundaise dans son ensemble ? Nous sommes passés maître  dans l’art de la dissimulation des émotions. Au moment où de nombreux cas de suicide font parler d’eux, les commentaires oscillent entre « Baramuroze sha » (il a été ensorcelé) et « Yari yasaze » (il était devenu fou). Nul ne s’intéresse à l’état de santé mentale des victimes.  Notre société est devenue le théâtre d’un jeu cruel. Un « Squid Game » où les plus forts avancent et les plus vulnérables succombent.

Notre indifférence a un coût. Il se traduit par une détresse accrue, une productivité réduite et une société en proie à des conflits récurrents. Il est impératif de sortir ce sujet de l’ombre, de briser le silence qui l’entoure et de prendre conscience de son impact global sur nos communautés.

 

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