Agathon Rwasa, principal opposant politique du président Pierre Nkurunziza, est probablement l’homme le plus imprévisible du Burundi. Après s’être dressé farouchement contre le troisième mandat, après avoir déclaré le boycott de l’élection présidentielle, le chef de la coalition Amizero y’Abarundi siège à l’Assemblée nationale. Rwasa est-il un traître ou un fin stratège ?
Sa recette nous est désormais habituelle : l’homme qui change de position à chaque interview, qui dit tout pour parfois ne rien dire, à tous les coups déroutant. Une girouette politique. Le surnommer « Monsieur Surprise » ne serait pas exagéré…
Agathon Rwasa, tête rasée, costume cravate, concentré sur son smartphone (en train de lire, peut-être, tous ces commentaires écrits sur lui), occupant sa nouvelle place dans l’hémicycle de Kigobe, vient encore d’en surprendre plus d’un, créant le buzz sur les réseaux sociaux, provoquant l’indignation des uns, les applaudissements des autres.
Un mauvais choix ?
Pourquoi tant de tergiversations pendant les élections si c’était pour en arriver là ? Rwasa n’a-t-il pas raté une belle occasion d’obtenir mieux, de rafler plus de sièges, voire de devenir président ? Peut-être vrai, peut-être faux.
Disons-le franchement : la lutte contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza a été un échec.
Dans les colonnes de l’hebdomadaire Iwacu, Jean-Marie Ngendahayo décrivait récemment un nouveau Burundi : « apparemment le pays entre dans une nouvelle ère d’une gouvernance que j’ai peine à définir avec précision. En tout état de cause, elle naît d’une usurpation de légitimité et d’un système basé sur la brutalité, le déni de la réalité et d’une rapacité sans borne. » La triste réalité. Mais faut-il délaisser le pays pour autant ? Non, je ne crois pas.
Un nouveau pays, de nouvelles réalités : de facto, de nouveaux choix aussi. Il faut faire avec. Rwasa l’a peut-être compris.
Sa place dans l’opposition
C’est écœurant, mais disons-le franchement : la lutte contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza a été un échec. À qui la faute ?
Aux manifestants, qui ne seraient pas allés jusqu’au bout ? Ou à l’opposition, qui n’a jamais réussi à se rassembler, se battre pour une cause commune ? À noter que de nouvelles fissures viennent d’apparaître parmi l’opposition. À en croire certains, Rwasa et Nditije seraient en passe de divorcer. « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », direz-vous peut-être. Admettons. Quoi qu’il en soit, Rwasa est le seul à avoir représenté la coalition « Amizero » dans la première session parlementaire.
Ou est-ce la faute de la communauté internationale, qui « n’aurait pas fait suffisamment » pour sauver Arusha ou pour « se débarrasser » d’un chef d’État dont on ne voulait plus ? Sa carte semble connue dans le jeu : être toujours du côté du plus fort. Et au regard de la situation, l’opposition burundaise est loin de l’être.