Les rumeurs, les ragots, les « on dit », surtout s’ils sont liés à la sécurité du pays, font que le Burundais reste aux aguets. Les internautes n’auraient surtout pas raté les rumeurs, sur la toile, liées à un coup d’État qui, supposément, était en cours de préparation. Vrai ou faux ? Le ministère de l’Intérieur a démenti ces rumeurs sur son compte X. Le président de la République aussi, ce 24 septembre.
Pour beaucoup de Burundais, 1993, 1988, 1972, etc., restent gravés dans les mémoires. Et certains événements remettent le pays et ses pauvres habitants en alerte. Les nerfs sont à vifs, le cœur au bord d’un infarctus et pour couronner le tout, la fameuse petite phrase : « Muribuka gutaha kare » (Pensez à rentrer tôt, Ndlr), finit par vous achever.
Dans notre ADN, le Burundais est toujours aux aguets, prêt à fuir. Que veut-on demander à un peuple qui, du jour au lendemain, le voisin est devenu le bourreau, le mari, l’ennemi à abattre, et l’instituteur, le tortionnaire ?
Une note à la nouvelle génération
Je fais partie de cette génération qui n’a pas réellement connu la guerre. Comme la majorité des Burundais (2/3 de la population burundaise ont moins de 25 ans, soit 65 %), écouter les histoires vécues durant ces années, c’est comme une séance au coin du feu, des contes des frères Grimm. Un collègue m’a raconté que lorsqu’il était en 8e année du secondaire, son lycée a été attaqué, et les élèves Hutus et Tutsis contraints de se diviser. Il dut choisir son camp. À un si jeune âge, il fut introduit à la haine, aux morts, à la fuite. De telles histoires au Burundi, sont légion.
Comment alors permettre à la jeune génération, Uburundi bw’ejo, de ne pas souffrir du « Pensez à rentrer tôt » ? Est-ce aux parents encore traumatisés, qui vivent encore avec la peur au ventre de voir des ennemis venus, machettes à la main, gourdins et bidon d’essence pour les envoyer dans le royaume d’Hadès, de les préserver ? Je crois que la réponse frôle le négatif. Cependant, ils ont leur rôle à jouer : enseigner à l’enfant la vraie Histoire du pays, celle qui a façonné ce que nous sommes aujourd’hui. Mais encore, il faudrait veiller à ne pas enfermer ce dernier dans ce douloureux passé politico-ethnique. On évitera, de grâce, que chaque soir, à table, l’ethnie soit la seule conversation qui accompagne le dîner.
Le peuple burundais est coincé dans son passé. Nous sommes meurtris, avec des blessures qui ne veulent pas cicatriser. Pour pouvoir avancer et se concentrer sur le développement du pays, il faudra nous faire soigner : nous faire diagnostiquer, recevoir le remède, prendre le temps de guérir sans rechuter encore. Mais cela ne sera possible que si nous acceptons que nous sommes malades.