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Réfugiés burundais : le retour et ses défis

Fin mars 2018, un accord tripartite a été signé entre le Burundi, la Tanzanie et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) pour faciliter le rapatriement des Burundais exilés sur le territoire tanzanien. Bien avant cet accord, d’autres Burundais avaient déjà décidé de rentrer d’exil. Quel est l’accueil qui leur a été réservé dans leurs anciens quartiers ? Voici le témoignage de Clotilde, originaire de Mutakura, réfugiée au Rwanda avec ses trois enfants depuis juin 2015.

Mutakura, l’un des quartiers les plus peuplés du nord de Bujumbura. Mais ça,  c’était avant la crise de 2015. Pendant deux ans, il n’a été que l’ombre de lui-même. La circulation dans les rues était presque semblable à celle des quartiers VIP : plus d’enfants ni de taxis vélos, les petites boutiques qui regorgeaient dans le quartier avaient les volets clos, de l’herbe avait poussé dans les rues, les clôtures faites d’arbres et de fleurs tendaient à devenir des forêts. Mais aujourd’hui, la situation semble revenir à la normale. Ceux qui avaient fui le quartier reviennent, parmi eux Clotilde.

Clotilde est une femme à la charpente forte. Elle roule sur ses 41 ans. En  juin 2015, au plus fort de la crise, elle décide de fuir un quartier devenu, selon elle, un champ de bataille. Avec ses trois enfants, elle s’exile au Rwanda, laissant derrière elle son mari qui reste pour veiller sur le domicile.

«La vie qu’on menait en l’exil était déplorable. À peine on mangeait à notre faim, les enfants ne pouvaient plus étudier… moi qui étais habitué à manger à la sueur de mon front, je ne pouvais plus supporter de  rester assise et attendre qu’on me donne un peu de nourriture au camp» , confie la mère sur sa vie dans le camp de réfugiés de Nyamata.

Le 10 mai 2017, elle plie ses valises et prend le chemin du retour  malgré les avertissements d’autres réfugiés lui disant qu’elle conduisait ses enfants vers un suicide assuré. «J’avais la peur au ventre, surtout pour mes garçons. Ayant entendu certaines informations, tu ne peux pas imaginer la tension que j’avais une fois arrivée chez Iwabo w’abantu. Heureusement on a pu passer », raconte-t-elle.

Réapprentissage

Depuis maintenant plus d’une année, Clotilde a retrouvé sa petite maison modeste au fond du quartier Mutakura. À la voir sourire, on aurait tendance à croire que tout s’est déroulé comme sur des roulettes, mais c’est faux. La réinstallation a été difficile. D’abord le dépaysement.  Mutakura, son quartier de toujours, ses voisins, toutes ces choses qui faisaient la particularité de cette localité n’y étaient plus. C’était l’ombre de ce qu’elle avait connu. Tout avait changé. 

« Ensuite, vous devez vous en douter, on n’a pas été accueilli en héros.  Dès le lendemain, vers 4h, les policiers étaient déjà chez moi à fouiller dans tous les coins et à traiter mes  enfants d’’espions pour le compte du gouvernement rwandais », raconte-t-elle avec amertume.

Pendant plus d’un mois, fouille et perquisition deviennent leur pain quotidien. Quant au voisinage, il devient méfiant à leur  égard. « Les premiers jours, on ne pouvait pas sortir de chez nous. On avait peur de toute personne. Certains voisins ne nous adressaient même plus la parole», se rappelle Clotilde.

Heureusement, la famille va bénéficier du soutien de l’autorité locale : «Le chef de zone a organisé des réunions évoquant la cohésion sociale, et petit à petit nous avons retrouvé la tranquillité». De son côté, le chef de zone Mutakura  affirme qu’actuellement, il n’y a plus de méfiance ou de mésentente dans son quartier : «Il est vrai qu’il y a eu des périodes où les rapatriés du quartier avaient peur, mais cela n’est plus le cas.»

Actuellement, Clotilde se trouve face à un défi majeur : le chômage. «Avant la crise, je travaillais dans un magasin au quartier asiatique. Les affaires marchaient bien, j’étais bien payée. Mais à mon retour d’exil, ils avaient déjà engagé quelqu’un d’autre», fait-elle savoir. Maintenant, elle est dans l’incapacité de répondre aux multiples besoins de sa famille. Mais  pour elle, cela vaut toujours mieux que la vie à Nyamata :«On est toujours mieux chez soi malgré tout», conclue -t- elle, souriante.

 


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