La prohibition de la chicha outre-Kanyaru a relancé des questions sur la réglementation du tabac au Burundi. Le blogueur Ivan Corneille MAGAGI III estime qu’une prohibition ne serait que vaine, et souligne « une hypocrisie qui stigmatise les fumeurs sans penser à leur bien-être mental et social. » Et de proposer alors des solutions intermédiaires pour lutter contre le tabagisme.
Lutter contre le tabac, c’est généralement par souci de santé. Le tabac est l’une des principales causes de décès et de maladies dans le monde. D’autre part, les fumeurs ne sont simplement pas bien vus dans notre société. L’exemple des parents qui parlent du tabac et de l’alcool à leurs enfants bien plus facilement que de l’éducation sexuelle est éloquent, l’argument qui revient souvent étant qu’il faut éviter de ressembler à un tel qui a fini drogué. Dans notre société, le tabac dépasse la seule considération sanitaire. Les cancers et autres maladies, on en parle peu. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui sont contraints à vivre leur histoire avec la cigarette en cachette, de peur d’être stigmatisés, perçus comme des vauriens. Une considération sociale érigée dans le subconscient collectif des Burundais. Et pourtant, les pires individus autour de nous ne sont pas forcément fumeurs.
Prioriser la recherche
J’en conviens, au vu des dégâts du tabagisme dans le monde, il est urgent de statuer sur la réglementation sur le tabac. Mais quelles décisions prendre alors que peu d’études sont réalisées pour déterminer l’impact concret du tabac sur l’économie ou sur la santé spécifiquement au Burundi ? Comment allons-nous savoir quelle catégorie est la plus affectée par le tabagisme et quelles mesures seraient efficaces dans la gestion de ce fléau si on ne fait pas assez de recherches? Il est écœurant de savoir qu’une partie des recherches faites finissent par prendre de la poussière dans les bibliothèques universitaires. Et il ne suffit pas de légiférer : il faut avoir de bonnes bases pour éviter d’investir dans des politiques vaines. Il est d’ailleurs grand temps que l’Etat se dote d’une nutrivigilance capable de protéger la population des dérives des industries du tabac ou d’autres aliments (comme lors du dernier scandale Lactalis).
En quoi la prohibition serait-elle une erreur ?
L’interdiction radicale du tabac ne serait que vaine et prématurée. A l’instar du sida qui est transmis principalement par voie sexuelle, on n’évoque jamais l’interdiction légale des pratiques sexuelles. On investit plutôt dans des méthodes moins radicales. Et pourquoi les fumeurs ne bénéficieraient pas de la même compassion? La convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac propose des pistes qui devraient être explorées avant d’imaginer une prohibition. L’Etat pourrait même contraindre l’industrie du tabac à financer la sensibilisation et la recherche sur le tabac. Dans beaucoup de pays, des images moches montrant des organes détruits par la fumée apparaissent sur les paquets de tabac. Pourquoi ne pas commencer par-là pour démystifier la nocivité du tabac, et que personne ne clame plus l’ignorance?
Prôner tout simplement la prohibition c’est négliger la santé mentale et le bien-être social des fumeurs. Rien n’est généralement proposé aux fumeurs dans la prise en charge de leur dépendance ou de leur sevrage, ignorant de l’éventualité des prédispositions génétiques au tabagisme . C’est aussi ignorer l’apport du tabac à l’économie et à l’agriculture. Interdire le tabac sans gérer les dépendances serait synonyme de créer un vaste marché clandestin qui pousserait des maladies hors des circuits sanitaires légaux, tout en faisant perdre de l’argent au fisc. Certes, la réglementation actuelle est trop laxiste, mais de grâce, ne prétendons pas changer les choses en prenant des décisions à l’aveugle !
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