Le dernier match opposant le Burundi au Mali aura été une expérience inoubliable pour plusieurs jeunes burundais. Au-delà du nul arraché contre une grande nation du football, le match a été un moment de concorde nationale comme on en voit rarement dans notre pays. Témoignage.
[Musique] C’est bien de vivre
Dans un pays
De paix…
Les seuls souvenirs que j’ai du stade remontent aux années 2000. Dans ma tête, je vois les rangées sur lesquelles étaient alignés une mer d’écoliers et une dame courageuse qui faisait le tour de tout le stade pour vérifier, toute trépignante, si tout était en place pour enfin chanter, à travers les voix angéliques des enfants, la paix.
[Dans un pays où
Il y a l’amour
Et la joie… Nous les jeunes
Nous sommes tous contre
La guerre…]
Nous étions à cette époque une marée de petits garçons et fillettes tous en kakis, bien droits, et « propres dans les cœurs ». Les parents nous y avaient encouragés… Ils nous avaient donnés 200 francs bu d’argent de poche pour nous acheter une glace (ibarafu) sous un soleil aussi fort qu’un projecteur sur un grand spectacle. C’était ma toute première fois au stade et pareil pour presque tous mes camarades de classe.
Présents, coûte que coûte
Le 16 octobre de cette année, et donc 18 ans plus tard, je suis retourné au stade Prince Louis Rwagasore pour assister au match opposant l’équipe nationale du Burundi à celle du Mali dans la phase des éliminatoires de la CAN 2019. Le sentiment de l’ « inconnu » n’a pas tardé à me visiter, et avec raison. Par ailleurs c’était ma première fois dans un stade…pour regarder un match de football. J’ai rencontré depuis les rues menant vers le temple du foot de longues files de supporters du ballon rond mais surtout qui ceux comme moi étaient venus pour leur première expérience au stade. Un match, en définitive, qui a rassemblé comme 12e joueur, un public particulier.
C’était également, sans le remarquer peut-être, un match cher dont les tickets pourtour qui étaient prévus à 3000 francs s’arrachaient à 10 000 francs. Au départ, j’avais des difficultés à faire le lien entre le type de supporters venus en grand nombre et l’événement en soi. À quelques exceptions près, des gens qui ne paieraient pas cette somme même pour un classico.
Dans ma peau de l’étranger du stade, je posais beaucoup de questions et parfois l’excitation de me voir à 5 mètres d’importantes institutions du pays faisait battre à rompre mon cœur. Encore, je ne suis pas prêt d’oublier les selfies avec des célébrités musicales qui partageaient la même tribune. Inespéré.
Un îlot de tranquillité dans un océan tourmenté
Pendant un court moment, j’ai cru que ces trois policiers qui attendaient les joueurs à la sortie des vestiaires étaient là pour faire respecter l’histoire du nez. Un moment d’égarement. En fait, les agents de l’ordre étaient là pour sécuriser et accompagner l’étendard de la nation au travers de plus de 11 joueurs, évoluant tous à l’étranger, mais qui sont rentrés l’élever encore plus haut. Ce jour, les Hirondelles ont investi en même temps la pelouse de notre stade et nos cœurs, et ils ont prouvé qu’ils méritaient tout notre amour. Pendant plus de 90 min, notre soutien les a portés au travers des cris d’enthousiasme lancés en chœur par des milliers de Burundais, comme un seul homme. Des Burundais aux nez différents (et qui s’en fichent), aux convictions différentes (et alors) et aux origines différentes (bof).
À voir l’ambiance et l’engouement de tout un chacun pour s’approprier « la bataille », j’ai vite compris que ce qui manque aux Burundais, ce sont de grands événements nationaux qui les unissent et à juste titre. Le match #BurundiVsMali l’aura prouvé pour une courte durée de deux heures.
Les moments pareils sont comme de l’or. Ils viennent et ne durent que le temps de la rosée. Et au stade, beaucoup sont ceux qui le savaient et qui n’ont pas bougé d’un pas sans que les Intamba mu Rugamba n’aient quitté le terrain. En nous saluant lorsqu’ils rentraient, je me suis dit que tout partirait à l’eau le jour où on commencerait à les catégoriser. Imaginez nos Hirondelles au pédigrée 60 – 40 ? Puisque à en croire certains, il faudrait appliquer ces quotas partout.
Mais cette idée n’est pas parvenue à ternir la joie que j’ai ressentie et que je ressens encore aujourd’hui. Ce jour-là, les joueurs burundais ont fait plus que taper dans un ballon, ils ont rendu service à la nation !
Et depuis, je crois que le stade Prince Louis Rwagasore est finalement devenu un de mes endroits préférés.
A relire : Sport : l’herbe est plus verte ailleurs, pour les footballeurs burundais