La polygamie est une pratique qui va à l’encontre des droits de la femme. La société a toujours été complice en la matière allant même jusqu’à accuser la femme d’en être à l’origine.
Le phénomène de polygamie est aussi vieux que l’histoire de l’humanité. Et, comme l’écrit Alfred Yambangba Sawadogo dans La polygamie en question, « la polygamie est avant tout un acte de tradition ». Et la tradition est jonchée de mythes et légendes dont « la légitimité qui vient de l’importance socialement accordée aux habitudes, coutumes et traditions établis au cours du temps » pour paraphraser Max Weber. Ce fut le cas au Burundi où une légende raconte que jadis l’homme burundais était monogame mais que les choses changèrent après.
De la monogamie à la polygamie…
Un homme, après s’être marié, n’a eu qu’une fille unique, qu’il a appelé « Ngaye » (je désapprouve, ndlr). Cette fille unique se retrouva fort surchargée parce qu’elle était obligée de faire tous les travaux y compris ceux destinés aux garçons. Elle ne se plaignait guère et refoulait sa souffrance. Un jour, des passants vinrent et lui adressèrent des salutations traditionnelles : « Vive ton père, Ngaye », « Vivent des hommes intègres, Ngaye », « Vivent le roi, Ngaye ». Ils furent surpris par la litanie de réponses aussi inhabituelles qu’irrévérencieuses de Ngaye : « Je n’approuve pas mon père», « Les hommes intègres, je ne les approuve pas », « Même le Roi, je ne l’approuve pas ».
Ces réponses de lèse-majesté furent rapportées au roi qui donna l’ordre de déposséder le père de Ngaye de tous ses troupeaux, mais avant que cela ne soit fait, le roi tint lui-même à vérifier les dires de celle-ci. Suite aux mêmes salutations, elle répondit exactement de la même façon et le roi lui demanda de s’expliquer.
Sa désapprobation était due au fait qu’elle était accablée de travaux du matin au soir, des travaux pour garçon et fille, parce que son père n’avait pas cherché une autre femme pour avoir un garçon qui sera son héritier. Que le roi avait agi de même en gardant une femme stérile, au lieu d’avoir plusieurs reines, avec lesquelles il pouvait avoir de nombreux princes qui pourraient l’aider à diriger le royaume.
Sur ces entrefaites, le roi décida immédiatement de prendre Ngaye pour femme, avec laquelle il eut trois garçons, et par la suite épousa d’autres reines. Le père de Ngaye fit de même et prit une autre femme avec laquelle il eut trois garçons. C’est ainsi que cette pratique se serait répandue à travers tout le pays suivant l’adage qui dit que « l’exemple qui vient d’en haut se répand partout ».
…jusqu’à la victimisation de la femme
« Par cette légende, la femme est rendue doublement responsable de l’instauration de la polygamie : la mère qui n’a eu qu’une fille unique, la fille surchargée qui se plaint et propose une issue présentée dans le cas d’espèce comme une solution, dont elle est d’ailleurs la première « bénéficiaire ». En devenant la première seconde femme du roi, elle marque la genèse du régime de polygamie. Cette dernière est ainsi doublement légitimée par la revendication de la femme et par la décision royale, l’exemple venant d’en haut et qui se diffuse partout » lit-on dans « Étude sur les coutumes et pratiques discriminatoires à l’égard de la femme au Burundi ».
Mais comme toutes les mytho-histoires, cette légende joue un rôle déterminé, ici, celui de « rendre la polygamie acceptable, la légitimer afin de transformer l’histoire en naturel et l’arbitraire culturel en quelque chose de naturel ». Et comme l’écrit Gérard Bouchard « un mythe/légende est toujours un amalgame inégalement pondéré de réalité et de fiction, de raison et d’émotion, de conscience et d’inconscience, de vérité et de fausseté ».
Et à Alfred Yambangba Sawadogo de conclure : « La polygamie est une tentative de recherche d’un bonheur vain, un système qui opprime et qui empêche l’épanouissement de la femme, qui la réduit souvent au rang d’esclave. La polygamie constitue en elle-même un mécanisme de blocage du développement harmonieux de la famille et de la société nationale ».
Faire fi des droits de la femme en cas où un homme décide d’avoir plusieurs femmes n’est pas le sujet , le sujet serait plutot de comment garder ses femmes également traités dans le cas de « multiplicité » , à savoir ne pas faire de preuve de favoritisme envers la plus jeune ou seulement la « principale »…
Note de plaidoyer pour les femmes polygamie et hommes polygamie en situation de déplacement dans le cite suite de la guerre persiste dans l’est de la RDC, province du sud-Kivu territoire d’Uvira, groupement de Bijombo
Un fait intéressant: il y a certaines femmes qui semblent défendre ou même prôner la polygamie. Je le souviens d’un article paru dans Iwacu sur les femmes célibataires qui sortaient avec des hommes mariés, l’une d’entre elles avait proposé que la polygamie soit légalisé dans le pays. Comment ça s’explique?
bien dit surtout en Afrique