Le Burundais d’antan savait nommer toute plante autochtone. Par la tradition orale, ces connaissances étaient transmises de génération en génération. Actuellement, la tendance est que ces appellations risquent de tomber dans les oubliettes. Ce qui serait une perte pour notre langue maternelle. Que faire pour perpétuer ces connaissances ?
« Umushwati, umuvyindiranguge, umwuyuyu, urukokokoko, umuhanurankuba, umunyereza, ikiboroza… » Mais, de quoi parles-tu là ? me demanderez-vous. Eh bien, ce sont des noms en Kirundi des plantes indigènes. Je les ai tirés du Lexique des plantes pour connaître et suivre l’évolution des forêts du secteur Rwegura de François Muhashy Habiyaremye et Benoît Nzigidahera.
Dans ce livre scientifique, mon attention a été accrochée par la section des noms vernaculaires qui me sont inconnus. Mais au-delà de la fascination pour ces dénominations, j’admire l’époque où les Burundais maîtrisaient les noms de toutes les plantes qui les entouraient.
A chaque plante, son nom…
L’un des caractéristiques du Burundi ancestral était la civilisation du végétal. Depuis la nuit des temps, Mère nature fournissait aux Burundais diverses ressources pour satisfaire leurs besoins. Donc, il faillait identifier ces ressources, les différentier, … et les nommer.
Les noms vernaculaires des plantes et des animaux illustrent que nos ancêtres avaient des connaissances plus subtiles sur le monde vivant qui les entourait.
Dans Ressources biologiques sauvages du Burundi : Etat des connaissances traditionnelles, Nzigidahera Benoît dresse quelques exemples : Amatunguru, Akaturambishi, Ubwizabwishamba, Umunyonza, Amatwiyinyana… (dans les plantes comestibles). Ubunyagahinga, Ubunyabahigi, Ubutuntutuntu,… (dans les champignons comestibles). Umuravumba, Igicuncu, Umugombe, Umwokora,umudwedwe…, (dans les plantes médicinales). Urumburi, Intaretare, Igisanda, Umusarenda, Urubere,… (dans les plantes à usage artisanal).
Des noms savamment choisis
Ces appellations sont souvent descriptives, indiquant la forme, la couleur, l’odeur, le goût, l’usage ou l’origine des plantes. Ainsi par exemple, Cordia africana (umuvugangoma) est un arbre dont le tronc est utilisé dans la fabrication des tambours traditionnels.
Senecio marangwensis nommée en en Kirundi « Imbatura » signifiant littéralement : « faire lever », une dénomination liée à son usage médico-magique: cette plante est utilisée pour hâter la germination de l’éleusine (Uburo), en l’enfouissant dans le champ avant le semi.
Un autre exemple d’une plante à usage médico-magique : Helichrysum tillandsiifolium (Igisegenya), ce nom kirundi vient du radical « isegenya » qui signifie « beaucoup ». C’est ainsi que l’herbe est utilisée superstitieusement pour augmenter la récolte dans les champs de cultures.
Aux oubliettes ?
Les connaissances, en rapport avec les plantes indigènes, étaient transmises de génération en génération par la tradition orale. Cependant, force est de constater que pour les Burundais, ces connaissances linguistiques vont malheureusement decrescendo. « Par le passé, on avait un savoir extraordinaire des plantes indigènes. Elles étaient toute notre vie. À part l’alimentation, elles servaient directement de médicaments. Elles étaient liées à la religion et au sacré. Elles servaient d’ornement, de parfums… Malheureusement, ces connaissances tendent à disparaître parce ce qu’avec la modernité, beaucoup de plantes ne sont plus utilisées dans la vie quotidienne. » explique Joseph Cubwa, octogénaire de Bukeye.
En plus, la disparition de certains spécimens, due à l’action anthropique (agriculture, déboisement, feu de brousse …) est un autre facteur concourant à la régression du savoir en rapport avec les plantes indigènes (y compris ces dénominations).
Pérenniser ces connaissances à tout prix …
Pour sauver des oubliettes les connaissances linguistiques des plantes autochtones, il faut d’abord prendre conscience de la richesse qu’elles représentent.
Elles constituent un patrimoine linguistique unique. En quelques sortes, ces noms sont aussi porteurs d’une identité culturelle. Ils témoignent de l’histoire, des croyances, des traditions et des valeurs des Burundais. Ils sont souvent liés à des légendes, des proverbes, des chants ou des rites.
Pour les sauvegarder, des efforts sont à déployer. Ainsi, il faut encourager et multiplier les initiatives de pérennisation de ces connaissances. Comme par exemple le projet Kwa Miganda Karambi Eco-Cultural Heritage. C’est une destination touristique située en province Mwaro. Ses visiteurs ont la chance de s’imprégner de certains aspects des connaissances ancestrales du Burundi. On y découvre la riche végétation indigène avec son usage traditionnel (soigner, préparation de parfums naturels, artisanat, …)
Il faut aussi soutenir les travaux documentant les dénominations vernaculaires et les usages traditionnels des plantes indigènes. Encore faut-il les vulgariser auprès du grand public en procédant de différentes manières : les documentaires TV, la photographie touristique, …
A grande échelle, la biodiversité autochtone doit être sauvegardée, pour préserver toutes les connaissances s’y rattachant.
Iyi nkuru nimuyandike mukirundi mwoba mukoze cane. Urwo ruririmi mwayanditsemwo ndarutahura ariko kubera ko iyo nkuru yerekeye cane cane kahise, imico n’imigenzo, mbona yokwandikwa mururimi rw’abo yerekeye.
Egooooo ivyo uvuze ni vyo