« Ceux qui souhaitent se marier devraient d’abord construire leur propre maison. » Cette opinion du président du tribunal de grande instance de Makamba a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. Si l’intéressé justifie son propos par les nombreux cas de loyers impayés qui pullulent dans les tribunaux, la situation financière de jeunes burundais permet-elle à chacun d’eux de se construire une maison avant de se marier ?
Par un week-end tranquille, je fais défiler mon fil d’actualités sur X, à la recherche d’informations intéressantes. Puis, ce tweet me saute aux yeux : « Les jeunes qui souhaitent se marier devraient d’abord construire leur propre maison ». Intrigué, je clique pour découvrir l’auteur de ces propos : le président du TGI de Makamba.
La raison ? Il explique que les tribunaux de cette province croulent sous les affaires de loyers impayés, souvent liés à des femmes abandonnées par leurs maris. Selon lui, construire une maison serait une garantie contre de telles mésaventures.
Même si je ne vis pas à Makamba, le célibataire que je suis se sent concerné. Et je ne suis pas le seul. De nombreux jeunes internautes fustigent la décision. Si elle part d’une bonne intention, la proposition du président du TGI butte contre une situation financière de la plupart jeunes burundais pour le moins compliqué. Enjoindre à tout jeune burundais de construire une maison avant de se marier est plus facile à dire qu’à faire.
Une opinion déconnectée
Les chiffres sont sans appel. Selon le Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes (PAEEJ), 72 % de la population burundaise est jeune. 40 % parmi ces derniers sont âgés entre 15 à 35 ans. Qu’est-ce qui a fait pensé au président du TGI Makamba que ces jeunes dorment sur un matelas de billets ? Si c’était le cas, cela se saurait.
Selon toujours le PAEEJ, un recensement des jeunes chômeurs réalisé en 2020 montre que 400 000 jeunes diplômés sont sans emploi, alors que le gouvernement, premier employeur du pays, n’emploie que 120 000 fonctionnaires. La réalité est que beaucoup de jeunes galèrent pour joindre les deux bouts du mois.
Il est compréhensible que le président du TGI cherche une solution à un problème social, et c’est louable. Mais exiger que chaque jeune construise sa propre maison avant de se marier revient à demander l’impossible.
Avec l’inflation galopante et la hausse des prix qui ne cesse de frapper les Burundais, la construction d’une maison était une montagne à gravir pour le commun des Burundais. Pour les jeunes, quand on ajoute le coût du mariage, l’équation se corse encore plus. À mon avis, s’il faut espérer une solution à la hauteur de la situation, il faudrait envisager des réponses qui riment avec la réalité des jeunes Burundais. Cela devra passer nécessairement par la création d’opportunités d’emploi et par le soutien financier à des projets portés par des jeunes.