Perdre un père, le garant de la famille, n’est pas chose facile surtout dans sa jeunesse. Par ses quelques lignes, ce blogueur fait des aveux à son défunt père qui totalise 10 ans dans l’autre monde.
Salut papa. Ou, comme je suis devenu un homme, changeons de salutations. Cher Baudouin, bonjour. Non. Ça sonne mal. Cher papa, je te salue. J’ai non seulement envie de te saluer, mais surtout saluer l’homme que tu étais.
Que les années passent vite ! 10 ans. Toute une décennie. Il m’est difficile de le croire. J’ai envie de te dérouler tout ce qui s’est passé après ton départ, depuis la tragédie de cette soirée, le 13 mars 2013, dans la chambre 10 de l’hôpital Prince Louis Rwagasore. Malheureusement, je n’aurais pas assez de pages pour tout dérouler. Mais je peux tout de même te parler de l’ambiance qui régnait juste quelques heures après ton départ.
C’était un mercredi (ça tu t’en rappelles. Hein papa ?). Je me prépare pour venir à l’hôpital. Je suis programmé pour te garder la nuit. Zéro inquiétude car, la veille, les médecins avaient diagnostiqué une bonne évolution de ton état. Ils avaient même évoqué un possible retour à la maison, si rien ne s’aggravait. J’arrive donc, de bonne humeur, plein d’énergies, pour passer une chouette soirée entre père et fils. A mon arrivée, tonton Pierre est dehors, à l’écart. Je vais le saluer avec tout mon enthousiasme, mais je constate qu’il veut m’éviter. Il a compris que je ne suis au courant de rien. Je le fixe des yeux, et je remarque des larmes, tu voix ses larmes d’hommes, que l’on combat pour qu’elles ne sortent pas, mais qui finissent par vous trahir. Sans mot dire, le message est saisi. J’entre directement dans la chambre, la chambre 10. Tout le monde pleure. Sur ton lit, tu dors, mais tout ton corps est couvert, bien enveloppé. L’envie me vient, d’enlever ce drap qui semble t’étouffer. Mais aucune force. Je sors directement. Colère, faiblesse, détresse, peine, désespoir, m’envahissent.
Une soirée pénible
On nous dit de rentrer chercher les habits pour te conduire à la morgue. Entretemps, Inès et Bénit, tes derniers enfants chéris ne sont au courant de rien. Je ne sais par quel moyen leur annoncer la nouvelle. Arrivé à la maison, ils aperçoivent que quelque cloche. Je rentre directement dans la chambre parentale, sans leur parler. Ils me demandent pourquoi je rassemble les affaires de papa, et pourquoi j’ai l’air triste, pale. D’une seule voix, je leur dis : « yapfuye ». Ils éclatent en sanglot. Toute l’avenue est alertée, leur ainé est parti dans l’autre monde. C’est la pagaille.
Retour à l’hôpital, il y a tout un monde. Plein de gens. La famille, tes amis, ceux du quartier, ceux de ton club de sport, etc. En seulement une heure, la mauvaise nouvelle avait fait le tour.
Nous avons survécu, malgré tout
Ton départ nous a laissé une grande question : Comment, une famille de huit enfants dont deux seuls travaillaient, et leur mère, sans emploi, allaient survivre avec le train de vie de Bujumbura ? Qui allait assurer les frais académiques des universités ? Et notre jeune frère ? Oh. Bénit. Ton Bénit. Il n’avait que 10 ans. Il était au centre de tous nos inquiétudes, comme si de notre côté, on était mieux. C’était la galère. Personne ne voulait entrer dans ta chambre. Maman était désespérée. Les nuits blanches se sont tellement accumulées qu’on craignait qu’elle craque. Des réunions familiales se sont succédé. Les gens nous ont certes réconfortés, mais, les nuits, nous revenions dans notre détresse, seuls. C’était dur à vivre. Très dur.
Mais, petit à petit, nous avons repris le moral. Les gens nous ont aidés. Mais surtout, nous nous sommes soutenus mutuellement. Personne n’a manqué de frais scolaires. Jamais nous n’avons manqué de quoi mettre sous la dent. Nous n’avons jamais quémandé. Il y a des leçons que seule la mort peut donner.
Durant ces 10 ans, j’ai beaucoup appris. J’ai fini par comprendre que la vie est un combat perpétuel, que le monde n’offre point de cadeau, qu’il faut travailler ardemment et honnêtement. J’ai aussi pris conscience de l’adage « Umuntu n’uwundi ». L’entraide. J’ai eu des amis qui m’ont épaulé, qui ont été à ma rescousse, et au reste de la famille, de ces gens que jamais je n’imaginais pouvoir compter dessus. Mais, ils ont été là pour nous, Papa.
Papa, aujourd’hui, presque tout a changé. Tu as désormais des neveux et nièces. Ton cadet Bénit n’est plus ce petit gosse mignon. C’est désormais un homme très barbu, qui affronte les challenges de la vie. Ta femme, maman, a su tenir le coup. Elle s’en sort en vaillante femme. Elle nous étonne, merveilleusement.
Comme je te disais, les choses ont changé, les gens aussi. Tu te rappelles que tu tenais à connaitre les nouvelles de toute la famille, de tes proches et amis ? Que tu t’impliquais dans la résolution des problèmes, que tu hébergeais tous ceux qui venaient de la colline pour se faire soigner à Bujumbura, ou les jeunes qui venaient étudier ? J’ai l’amertume de t’annoncer que cela n’est plus. Les gens ont changé. L’égoïsme domine sur l’entraide. Chacun vit pour soi. Je t’épargne la cherté de la vie. Bujumbura est presque invivable. Dans ton bar préféré, il n’y’a plus des tournés comme avant. Chacun sirote sa bière, et ils partagent juste le dialogue. C’est le principe. Parmi les mauvaises nouvelles, je tiens à t’annoncer que je suis encore célibataire. Je sais, ça te désole, mais crois-moi, les temps sont durs. Sur ce, au revoir.
Ton fils.
Courage cher Boutros. C’était dur mais Dieu était au contrôle de tout
C’est pas une histoire, c’est juste le vécu, le train-train d’une vie. Courage Bukuru. Au-delà d’un simple billet, merci de partager ce courage, pris à deux bras, pour enfin surmonter le poids de la vie.
Après tout, bravo pour le célibat 😂
Dieu est grand
Igisomwa ciza…..tu as été fort n’ubu ukiriko…. Tuzokwama tumwibuka mutama
Pacy tu es vraiment fort
Thank you brother Paci