Les accidents de la route font de nombreuses victimes chaque année. Parmi elles, une jeune fille pleine de vie, du nom de Louise. Cette dernière est récemment devenue invalide par la faute d’un conducteur imprudent. Il ne lui a pas seulement privé de sa mobilité, mais aussi de sa joie de vivre. Sa sœur a décidé d’écrire une lettre à ce chauffard.
Monsieur le chauffard,
Dorénavant, ma sœur Louise ne dansera plus la salsa. Vous l’avez dépouillée de sa capacité à le faire. Après l’avoir fauchée et mis les voiles, la laissant pour morte, gisant dans une mare de sang, elle a tout de même survécu à cette sombre soirée de juin. Bien que son pronostic vital ne soit plus engagé, elle s’en est sortie avec une grave fracture de la colonne vertébrale. Autant dire une condamnation à la paralysie générale à perpétuité. Pas de sursis pour elle, contrairement à vous. A l’heure qu’il est, vous êtes probablement quelque part en train de profiter de la vie. Votre conscience est-elle réellement tranquille ? Êtes-vous au moins revenu sur vos pas pour essayer d’identifier celle à qui vous avez pris autonomie, liberté et mobilité ? Savez-vous qu’elle dansait la salsa ? Savez-vous que le jour où elle a été catapultée par votre véhicule, elle rentrait d’un de ses cours au quartier Ngagara ? Bien sûr, vous n’en savez et n’en saurez jamais rien. Vous avez préféré fuir vos responsabilités. Je vais quand même vous raconter ici chaque petit détail, histoire d’évacuer mon chagrin et dans l’espoir que vous puissiez vous manifester un jour.
Du haut de ses dix-huit ans, Louise était promise à un brillant avenir. Belle, intelligente et travailleuse, elle aspirait à devenir médecin. Elle venait justement de réussir l’examen d’entrée à l’université. Elle avait aussi développé un intérêt grandissant pour la salsa, suite à quoi elle avait intégré un club qui l’enseignait. Cela a fortement déplu à nos parents. Ils voulaient leur aînée parfaite. Ils ne s’expliquaient pas ce soudain attrait pour cette danse mondaine. Protecteurs, nos parents ont alors formellement défendu à Louise de remettre les pieds à ce « foutu endroit ». Ma sœur a tenté de leur faire changer d’avis. Mais la messe était dite. Elle n’y est plus retournée pendant un long moment… Jusqu’à ce jour maudit où elle avait décidé qu’elle était assez grande, capable de prendre des décisions et d’en assumer les conséquences. Enfin, presque.
En rentrant de son cours de danse, elle a vite pris peur de se confronter à nos parents. Afin d’être en avance sur eux, elle a couru de toutes ses forces pour arriver à ce carrefour où elle allait côtoyer la mort. Avant de traverser, elle a pris le temps de s’adosser à un lampadaire le temps de souffler un peu. Il ne lui restait plus beaucoup de chemin à parcourir. Une route et, au bout, notre maison. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle se repose ? Tout était-il écrit d’avance ? Un œil à gauche, un œil à droite, le champ était libre. Sans craindre de danger, elle a entamé sa traversée à pas de tortue. Ma sœur a toujours été très prudente au moment de traverser une route. Mais cela n’a pas empêché ce qui devait arriver. Déboulant de nulle part, vous lui êtes rentré dedans, la laissant côtes broyées, crâne fissuré et la colonne vertébrale fracturée. Profitant de la quasi-absence de témoins, en chauffard invétéré, vous avez pris le large. Heureusement, ma sœur n’a perdu connaissance que peu de temps et n’a pas succombé à ses meurtrissures.
C’est Louise elle-même qui nous a raconté son cauchemar. Après son compte rendu des événements, j’ai pleuré. Et les autres aussi. Épuisée, mouillant de ses larmes les draps du lit d’hôpital sur lequel elle était couchée, elle a trouvé refuge dans le silence.
Depuis, elle ne fait que fixer le plafond, son infirmité ne lui permettant pas grand-chose. Les jours passent et notre famille se consume à petit feu. Je voudrais vous haïr. Ce que vous nous faites endurer est trop dur. Mais, je refuse de vous détester. Plus d’effusion de haine. Cela ne rendra pas à ma sœur ce que vous lui avez pris. À la place, pour mon bien et celui de ma famille, je choisis de vous pardonner. Que Dieu vous pardonne aussi, et puissiez-vous être plus prudent sur la route. Respectez les piétons et faites de votre mieux pour préserver la vie d’autrui. De mon côté, je garde la foi, ma famille s’en sortira.